Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
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avec l’apparence d’un service public! Et ces monstres ont l’audace de venir réclamer leur salaire !
Ah! Messieurs, c’est au nom du salut public, a-t-on osé dire, qu'ont été commis les massacres de septembre ! C’est au nom du salut public qu’on justifiera la Terreur ! Arrière ces honteuses doctrines ! Elles sont un outrage à l’auguste nom de la patrie, un blasphème contre la sainte cause de la liberté ! Oui, la France, menacée, a dû défendre son indépendance ! mais s’il fallait, pour la sauver, des victoires, il n’était pas besoin d'assassinats ; et nous ne ferons pas honneur de nos gloires à ceux qui n’ont fait que les souiller !
Au milieu de la stupeur universelle, la voix de Ver-: gniaud s’éleva grave, mdignée, vengeresse, comme celle de la morale éternelle et de la conscience révoltée. « Il est temps de briser ces chaînes honteuses! Il est temps que ceux qui ont fait trembler les hommes de bien tremblent à leur tour ! Je n’ignore pas qu’ils ont des poignards à leurs ordres ; eh! dans la nuit du 2 septembre, n’ont-ils pas voulu les diriger contre plusieurs d’entre nous? Dans leurs listes de proscription, n’ont-ils pas dénoncé au peuple plusieurs d’entre nous comme des traîtres ? Et ma tête aussi est proscrite ! La calomnie veut étouffer ma voix: mais elle peut encore se faire entendre ici; et, je vous en atteste, jusqu’au coup qui me frappera de mort, elle tonnera de tout ce qu’elle a de force contre les crimes et les scélérats. Eh! que m’importent des poignards et des sicaires? Qu’importe la vie aux représentants du peuple quand il s’agit de son salut? » Alors, saisi d’un enthousiasme qui se communique à l’Assemblée, il s’écrie, au milieu des acclamations universelles : « Lorsque Guillaume Tell ajustait la flèche qui devait abattre la pomme fatale qu’un monstre avait placée sur la tête de son fils, il s’écriait : Périssent mon nom et ma mémoire, et que la Suisse soit libre ! Et nous aussi, nous dirons : Périssent l’Assemblée Nationale et sa