Étude sur les idées politiques de Mirabeau
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à l’exécution de la loi. » Aussi maintenait-il la nécessité d’une constitution. Il demandait d’ailleurs que l’on ne le jugeàt pas d’après le détail, mais d’après sa conduite générale!. Car il se défait lui-même de sa nature passionnée et savait les obligations que lui imposait la conservation de sa popularité.
Le gage donné, on régla les conditions financières. La cour prit à sa charge les dettes de Mirabeau qui s’élevaient à 208,000 francs et se mit à lui servir une pension de 6,000 livres par mois. Ce fut le propre aumônier de la Reine, Fontanges, archevêque de Toulouse, qui reçut le mandat de verser ces sommes ?.
Mais ces arrangements n’empêchèrent pas Mirabeau de garder son indépendance. À peine sont-ils conclus qu’il soutient à la tribune le peuple de Marseille contre le ministère, les pouvoirs de l’Assemblée contrel’aristocratie®. En revanche, il défend les droits du gouvernement lorsqu'ils lui semblent légitimes, et qu'il s’agit surtout de lui subordonner les municipalitést. Enfin il donne un gage public de son accord avec la monarchie, en appuyant le Conseil dans les mesures par lui prises pour soutenir le Roi Catholique contre l'Angleterre, qui disputait à l'Espagne la possession de la baie de Nootka-Sound (Californie). Malgré Barnave, il obtint de l’Assemblée que la guerre ne pourrait être déclarée que sur la proposition du roi. Le langage qu’il tint à cette occasion eut encore plus de retentissement que son discours sur le veto. A la sortie de la séance, il fut insulté par le peuple et l’on ven-
1. Corr. Mirabeau-La Marck, v. I, p. 142-148, v. II, p. 11. Lévis, p. 208211. Ferrières, v. II, p. 78. Mirabeau s’engageait à tenir secrets ses rapports avec la cour et à n’employer aucun collaborateur dans les travaux qu'il ferait pour elle. Encore une preuve que la cour elle-même n'ignorait pas sa manière de travailler. La cour cependant l’autorisa à se servir d’un secrétaire, nommé De Comps, qui touchait 300 francs par mois.
2. Corr. Mirabeau-La Marek, v. I, p. 151-152, 155-156, 158, 163, 167-168, 171. M. Reynald appelle à tort l'archevêque de Toulouse : M. de Fenestrange (p. 335).
3. Monüleur du 19 avril 1790. La Fayette, v. Il, p. 401, 459. Ferrières, v. IL, p. 35. Cf. aussi Mon. des 12 et 13 avril el du 5 mai 1790: discours de Mirabeau contre le projet de déclarer la religion catholique religion d'État, et contre la nomination des juges par le roi. Courrier, v. VII, p. 210 et 370, v. VII, p. 151. Lettres à Mauvillon, p. 511.
4. Mon. du 18 avril et du 3 mai 1790. Discours de Mirabeau en faveur du ministre de la guerre contre les municipalités et réfutation de la motion de Robespierre qui demande de laisser en activité les 60 districts révolutionnaires de Paris. Cf. Courrier, v. VII, p. 189, 301, 362, 405, 427, 428 el 587.