Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 69

Ce moment dure peu. Bientôt Mirabeau se déclare partisan d’une seule assemblée. Son journal attaque violemment le système anglais ! et appuie ceux qui s'opposent à la création d’un sénat?. Il reconnaît toutefois que le Corps législatif, ne se divisant pas en deux chambres, doit être composé avec des précautions plus grandes. À la tribune, Mirabeau s'explique encore : « Il veut deux chambres si elles sont deux sections d’une seule, mais il n'en veut pas deux, si leur origine doit différer et si l’une d’elles doit avoir un veto sur l’autre. »

Sans repousser l’idée de deux corps, tous deux élus par le peuple pour travailler à la confection des lois, il n’entend pas que l’un d'eux soit privilégié. Il déteste trop la noblesse, qui l’a repoussé, pour en faire une pairie héréditaire. D'ailleurs, dans sa sagesse politique, ilreconnaît les difficultés qui empêchent en 89 de former un sénat. Appellera-t-on les privilégiés? Dans ce cas, il ne fallait pas abolir la distinction des ordres. Appellera-t-on la minorité libérale de la noblesse? C’est dans cette crainte que les . ultraroyalistes se réunirent aux démocrates pour rejeter le projet d’une chambre haute. Les nécessités de sa popularité s’ajoutant alors à ses sentiments propres, Mirabeau ne voulut pas d’une division du Corps législatif. Il n’en parle pas dans ses notes à la cour®. À la fin de sa vie, il est possible que, dépité contre l’Assemblée, mécontent de son œuvre, il ait regretté sa formation en chambre unique, souveraine et sans contrôle : Dumont et Malouet l’attestentf. Toutefois on ne saurait accorder une confiance absolue au témoignage d'hommes qui citent de mémoire. Quoi qu'il en soit, M. Thiers dit excellemment que Mirabeau repoussa deux chambres « non point par conviction, mais par la connaissance de leur impossibilité actuelle et par haine de l'aristocratie’. »

1. Lettres aux commetlants, n° du 15 juin 89 (signé S.).

2. Courrier de Provence, n° du 4 septembre 89.

3. Ibid., n° 49, p. 24.

4. Moniteur. Discours du 9 septembre 89, Cf. La Fayette, Mémoires, v. IV, p. 42.

5. Corr. avec La Marck, v. I, p. 103 et 205.

6. Malouet, v. Il, p. 13.

7. Thiers, v. I, p. 139. Nous nous faisons un devoir de terminer ce chapitre en recommandant la lecture du dernier ouvrage de M. Aulard sur les Orateurs de la Constituante, Paris, 1882.