Étude sur les idées politiques de Mirabeau

70 F. DECRÜE.

IV. LE POUVOIR JUDICIAIRE.

Division des pouvoirs. — Abolition des Parlements. Création du jury. :

C’est surtout quand l’ordre judiciaire est en jeu que Mirabeau se montre, en principe, partisan de la division des pouvoirs. Bien qu'ils dérivent tous du peuple, la Constitution doit tendre à les rendre de plus en plus distincts. « L'Europe presque tout entière, dit Mirabeau, a vu crouler, sous le faix de la réunion des trois pouvoirs, la liberté politique et civile?. — Partout où les fonctions de la justice et celles de l'administration sont réunies dans les mêmes mains, la liberté n’est que nominale. »

La France avait trop souffert de l’immixtion des ministres dans les tribunaux, pour la tolérer plus longtemps. Mirabeau lui-même, victime de l'arbitraire ministériel, entend, à proprement parler, par despotisme, le procèdé expéditif avec lequel l’État se débarrassait, sans procès, des individus qui le gênaient. Poassant plus loin la confusion des termes, il désigne souvent sous le nom de loi la Constitution, comme si la Constitution ne tendait qu’à une seule fin, établir une loi propre à garantir les accusés du despotisme ministériel#. Il voit dans la réforme judiciaire le but principal de la Révolution. Mais le travail qu’il y consacre est plus une œuvre de destruction qu'une création. Dans ses premiers ouvrages”, il proteste avec persistance contre le régime dont il a souffert; mais quand l’Assemblée s'occupe de reconstituer la justice, il ne prend que rarement la parole.

Il condamne en général toute l'ancienne organisation judiciaire. Il en critique les lois multiples et contradictoires, en particulier

1. Moniteur. Discours du 16 juillet 1789. Archives parlementaires, p. 243. 2. Leitres de cachet, v. I, p. 147.

3. Courrier de Provence, n° 76, p. 13.

4. Lettres de cachet, v. IL, p. 107.

5. L'Essai sur le despotisme, de 1775; les Lettres de cachet, de 1778.