Битеф

d'affirmer la présence immediate de l'acteur en personne face au public. Ce récit ne se définit que par les critères mêmes du théâtre: rapport acteur/ /spectateur. Rien de noueau là-dedans depuis les conteurs de rue. II y a l’acteur, puis les multiples masques qui le traversent, l'acteur et son jeu au sens ludique. Narrer l'histoire de Guilgamesh passe par la gestuelle, par le chant directement adressés brisant l’univers clos de la scène. Le personnage antique devient le prétexte évident à la transposition ludique nécessaire. La parole même de la légende antique aura à circuler dans le choeur des acteurs pour parvenir aux spectateurs. Cette parole, celle des tablettes sumériennes, par sa rythmique, par ses multiples répétitions, par ses motifs en spirale ets à même de nous laisser la liberté de faire tourner le texte d’acteur en acteur pour lui laisser prendre l’envol avec le choeur jusqu'à fusion entre le chant et la parole.

Le travail vocal sera comme dans les «Pâques» un des points d’appuis fondamentaux du spectacle. Alors que dans les «Pâques» la cohérence dramaturgique des chants résultat de leur disparité (chants d’émigrants venant du monde entier), dans Guilgamesh l’unité sonore sera celle d’une ligne d'horizon. Il s'agit de créer un espace sonore où la parole, le chant, les sons, les silences puissent sans cesse de la même source. Car le chant sera l’intemporel. Un morceau de musique en occident est défini par son écriture. Pour nous le chant est avant tout une matière indissociable du corps qui l'émet, donc du souffle, du geste, du dire qui l’accompagne. Une expérience simple, celle de chanter un «air» avec différents résonnateurs (gorge, nez, bouche ...) ou adressé différement dans l’espace (le proche, le lointain ...) nous informe très vite sur l’insuffisance de cette définition écrite. Dans ses différentes modalités d’émission Г «air» en question varie du tout au tout jusqu’à devenir méconnaissable. La matière première du chant ou du texte sera pour nous: le son en cohérence parfaite avec la globalité du jeu de l’acteur. Ceci implique des points de départ excessivement simples: travail sur des idéogrammes théâtraux de base associant souffle, son, geste.

L’aspect dynamique du son s’étudie dans le temps à travers les impulsions. Le facteur rythmique n'est plus seulement sonore, il est vécu. Ainsi il est des gestes qui sont musique dans leur structure spaciale même. La combinatoire des deux aspects précédents (idéogrammes, rythmes des impulsions), génère des modules dont l’une des traductions sera la mélodie. La juxtaposition des modules dans leurs répétitions ou dans leurs transformations successives vont former un tissu sonore, où l’utilisation des intervalles mélodiques (ou tierce, quinte, demi-ton ou quart de ton ...) en relation avec leur valeur émotive aura un rôle à jouer. Assurer une cohérence sonore signifie réaliser un équilibre dramaturgique entre toutes les émissions sonores issues du corps ou des objets intégrés à la mise en scène.

L’épopée, nous dit le dictionnaire, est «le récit d'une succession d’aventures héroïques»; tel est le récit légendaire de Guilgamesh. Cette épopée qui longtemps a circulé de conteurs en conteurs, subissant les multiples modifications qu’apporte le temps, et qui nous est parvenue par l’écrit car la parole s’était tue, nous voulons la faire nôtre à travers notre propre experience, et notre propre parole. Cette épopée est aussi le récit d’un intinéraire, se situant au delà de l’histoire d'un seul homme. Qui est Guilgamesh cherchant à échapper à la loi tyranique des dieux titanesques de la nature, pour s’interroger sur sa destinée, sur son devenir de bâtisseur de, civilisateur? Chaque étape de sa quête d'éternité ne faisant que le rapprocher de la mort, son itinéraire devient celui de la prise de conscience de la valeur de ses actes. Déchiré entre les lois de la nature (celles des Dieux), et les lois humaines à venir (celles des cités, des rois et peut être un jour des hommes), Guilgamesh devient dans sa solitude l’homme problématique. Théâtralement parlant Guilgamesh est un héros tragique. Guilgamesh a bâti, ayant dompté les génies de la nature ... d’autres après lui bâtiront par la force ou la douceur, violence ou raison, et au fil du temps nous voici aujourd'hui face à l’histoire des peuples. Quelles sont victoires? L’interrogation est déjà présente dans la légende.