Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)
540 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET
CCXI. — Au même. Évreux, le 10 mars 1792.
Mon frère, l’armée d’'Évreux est revenue de son expédition de Conches. Tous les Ébroïciens étaient partis, parce qu’ils avaient peur qu’on n’attaquât leur ville pendant que les forces se portaient ailleurs. Ces moutons allaient avec le troupeau. Les corps administratifs étaient hier dans la terreur : ils attendaient 15,000 brigands aujourd’hui, On a ordonné le retour de l’armée, qui rentra hier à 3 heures d'après-midi, amenant une vingtaine d'hommes suspects. On a relâché le curé dont je vous parlais hier, etc.
L'armée a été fort mal hébergée à Conches : 1,800 hommes arrivèrent du département de l’Orne sur la réquisition du département de l'Eure, après qu’il n’y avait plus de vivres ni de logement.
On fit grande peur aux Conchoïs. On les menaça de les désarmer, on sermonna la municipalité, puis on la fit jurer et on partit. En passant par la Bonneville, la mauvaise humeur prit; on désarma les paysans de ce village. On n’a pas cru convenable d’inquiéter les paroisses que je vous ai nommées ; on n’a rien dit à tous les municipaux, auteurs des troubles. On ne cherchera peut-être pas les auteurs et distributeurs des lettres répandues dans chacune de ces paroisses, par lesquelles on indiquait chaque expédition. Il paraît que les lettres pour l’expédition des brigands aujourd’hui à Évreux avaient été distribuées. Vous imaginez bien qu’ils n’arriveront pas, Des émissaires se faisaient arrêter partout, pour semer la ter-
reur par leurs dépositions. La municipalité de Conches at-elle eu peur, ou a-t-elle eu de la finesse ? Elle fit conduire, hier au soir, une trentaine de prisonniers; je crois que c’est pour embarrasser et ennuyer les juges par l'interrogatoire de ces hommes,