Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)
358 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET
rien exécuter. La Fayette a attiré Luckner à Paris, pour éluder l'accusation dont il était menacé, pour méditer à son aise les moyens d'en mériter une plus complète.
Le roi a appris qu’il peut se montrer; mais le temps est passé où la présence d’un automate couronné occasionnait l’ivresse et l'engouement. Luckner et La Fayette étaient là pour régler les mouvements de l’armée intérieure : ils cherchent à capter la confiance des nouvelles troupes, où à les dissiper par la défiance.
Nous n’aurons pas d'armée : comment aller à une armée dont les chefs vous repoussent, dont toute la hiérarchie est plus à redouter que l'ennemi ?
Les corps administratifs sont infectés; toute puissance de requérir leur appartient : que requerront-ils? Je suis singulièrement fatigué de demandes de vicaires et desservants, et je ne sais comment j'en ferai.
CCXXVI. — Au même. Bernay, le 23 juillet 1792.
… Le décret qui déclare la patrie en danger arrive (1), mais on se demande qui l’a mise en danger et que faire pour l’en tirer? SiLa Fayette n'est pas mis en accusation, quelles trahisons faudra-t-il donc? Luckner paraît déraisonner : un imbécile ne peut être un bon général. Quand nos armées seront-elles commandées par des hommes tout neufs, chez qui le virus aristocratique n’aura point été inoculé ?
La Haute-Cour nationale est comme les départements : elle est composée pour la majorité d'hommes équivoques qui ne veulent rien faire pour la Constitution, qui veulent voir ce que cela deviendra. Dumouriez sera-t-il le sauveur de la patrie? Son ambition peut le rappeler à
(1) Ce décret en date du 11 juillet fut proclamé le 22 à Paris. Moniteur, réimpression, XIII, 107, 117 et suiv.