Correspondance diplomatique de Talleyrand. La mission de Talleyrand à Londres, en 1792 : correspondance inédite de Talleyrand avec le département des affaires étrangéres le général Biron, etc.
A LORD LANSDOWNE. #41
la guerre terminée en 1783. On oubliera jusqu'à la manière dont ces ordres ont été exécutés, manière plus perfide et plus cruelle que les ordres mêmes. On pardonnera aux corsaires bermudois leur brigandage, digne des pirates du Maroc et d'Alger. On oubliera également les services indirects rendus à la cause américaine par le succès des armes francaises: et la reconnaissance ne sera ni plus efficace ni plus éternelle pour la confirmation de l'indépendance que pour sa première conquête.
Tous ces intérêts du moment, toutes ces passions éphémères s'évanouiront avec les difficultés présentes. Les articles convenus avec M. Jay en seront le tombeau. Mais ce qui restera, ce seront les convenances mutuelles, les besoins réciproques, les habitudes nationales, les préjugés universellement reçus, en un mot, toutes les causes naturelles et politiques qui
gleterre avait tellement augmenté que la guerre devenait probable. C’est à ce moment que Washington, qui voulait éviter cette calamité, imagina d'envoÿee John Jay à Londres en mission de conciliation. Ce choix n'était pas heureux : Jay, quoique d’origine française, détestait la France, et les républicains ne manquèrent pas de dire qu'il n'hésiterait pas à sacrifier les intérêts de la France pour ceux de la Grande-Bretagne. L'événement devait justifier ces craintes.
Nommé le 16 avril 179%, Jay arriva à Londres le 15 juin et entra aussitôt en négociations avec lord Grenville. Le 19 novembre, il signait le fameux traité qui brouilla pendant plusieurs années la France avec les États-Unis, Contrairement à ses instructions, Jay abandonna le principe de l’immunité de la marchandise ennemie sous pavillon neutre, auquel la France ct les États-Unis avaient souscrit par trailé, et, en échange d'avantages contestables, déserta à la fois la cause des neutres et l'alliance francaise.