Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

CORRESPONDANCE INÉDITE 357

bien mal jugé l'impression que je recevais de votre correspondance. Elle ne m'avait fait éprouver que de la satisfaction : il est vrai qu'ayant connu le vœu de Charles, son caractère, l'opinion de sa famille et votre penchant, et croyant avoir trouvé dans votre lettre que l'offre dont vous me parliez avait de l'importance, je me suis permis, pour que Charles fût plus libre, de balancer vos répugnances par mes observations. Mais je n’avais pas eu besoin de votre dernière lettre pour reconnaître mon erreur ; @t d’ailleurs, comme il s’est expliqué en confiance avec vous sur ses intérêts etses désirs, je suis à présent, sous tous les rapports, parfaitement tranquille; il m'eût sufli d'un mot pour être sûr que vous aviez fait tout ce qu'il fallait, et je vous sais aussi trop bonne et trop sage pour suivre l'avis que vous donnait Virginie. Quant à Victor, son frère et lui craignaient que vous ne vous issiez scrupule de l’exposer à des risques militaires qu'il veut courir, que tous deux regardent comme l'unique moyen d'avoir sa surveillance, et j'eusse mieux aimé le voir attaché par vous à un général qu'enrôlé au hasard dans un régiment, ce qui paraît être aujourd’hui son intention et l'avis de son père, qui pourtant ne lui en a rien dit. Vous seriez bien injuste de penser que je n'ai pas constamment compté sur votre exactitude à faire les démarches dont nous étions convenus ; mais tout était nécessairement si vague que vous auriez pu vous faire aussi des illusions. Je conviens cependant avec plaisir et de tout mon cœur que c’est moi qui me suis trompé, et que vous avez eu raison sur ces deux points comme sur les autres ; il ne m'en reste que le chagrin de vous avoir tourmentée de nos spéculations du lac de Ploen et d’avoir provoqué par là votre injustice envers moi.