Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)

38 CORRESPONDANCE DE LA FAYETTE

son avait vu là le salut de l’État. Le comble de l'habileté pour un chef d’empire, pensait-il, c’est de maïitriser la révolution en la faisant lui-même’. « Qu'il se constitue hardiment le chef des réformateurs de l’État, pour conduire mieux qu'eux les réparations que demande la situation de la France?. »

Enfin Rousseau disait en 1762 : « Pour étre légitime, il ne faut pas que le gouvernement se confonde avec le souverain, mais qu'il en soit le ministre; alors la monarchie elle-même est république*. »

La « monarchie républicaine », voilà la formule qui séduisit tous les esprits à la recherche d'un compromis entre la royauté et le peuple envisagé dans ses classes les plus cultivées, formule que l’on répétait à satiété dans l’entourage de La Fayette, qu’il emporta en Amérique, reprit dans ses lettres et modifia à peine dans son écrit : Démocratie royale. Il changeait donc à peine de milieu intellectuel en passant en Amérique; il y retrouvait, sous des données différentes, le même problème que la France avait à résoudre : réduire le principe d'autorité sans le détruire; maintenir les classes aisées de la bourgeoisie dans la possession du pouvoir, et se servir pour cela du peuple; mais ne point traiter, après le succès, l’auxiliaire en égal et en frère. De là, chez nous, la tentative de revanche de 1793, et, des deux côtés de l’Atlantique, les luttes qui durent encore, tant « le cycle de la révolution », comme dit La Fayette,

1. En 1787, La Fayette écrit, à propos d'une réforme particulière, l’état civil des protestants : « L'affaire, soumise aux notables, pourrait y échouer par les réclamations du clergé et d’un parti bigot. Rien n'empêche que le roi, s’il se met au-dessus des plaintes des opposants, qui ne peuvent qu'intriguer et crier, ne décide lui seul cette importante question. » (II, 194.)

2. Mémoires, éd. Janet, t. IX, 222,

3, Contrat social, II, ch. vr, note.