Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française
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LES IDÉES DE GOUVERNEUR MORRIS SUR LA FRANCE 39
d'Alsace restent fidèles au roi, Sa Majesté peut aisément réduire le reste de son royaume!. » À la fin de septembre 1791, lorsque se termine la session de Assemblée Constituante et que la Législative, déjà élue, va se réunir, la perspective est plus sombre. Morris croit pourtant pouvoir tracer encore une carte de la France monarchique : « La nouvelle Assemblée, autant qu'on peut en juger à présent, est profondément imbue de principes républicains, ou plutôt démocratiques. La partie méridionale du royaume est dans la même disposition ; le Nord est de tempéramment clé- | rical (eclesiastical) ; l'Est est attaché à l'Allemagne et se réunirait volontiers à l'Empire ; la Normandie est aristocratique, ainsi qu'une partie de la Bretagne ; l'intérieur du royaume est monarchique. Gette carte est exacte (vous pouvez vous y fier) car elle est le résultat d’une grande et coûteuse enquête faite par le gouvernement et je pense que, grâce à elle et aux
. quelques observations qui précèdent, vous pourrez com prendre bien des choses qui autrement ne seraient pas facilement débrouillées ?. »
Nous verrons qu'après le 10 août 1792 Morris à une hésitation à cet égard, car il est de bonne foi et ne ferme jamais les veux à la lumière. Il croit un moment à la possibilité d’une république, durable en France. Mais bientôt l’idée ancienne reprend le dessus. Le 19 avril 1793 il écrit à Jefferson : « Ici on pend les gens (c'est-à-dire on leur coupe la tête) pour avoir donné leur opinion en faveur de la royauté: mais on me dit qu'une telle opinion est ouvertement avouée et approuvée dans les rues. On me dit qu'il ÿ a une majorité même dans la Convention qui juge un roi nécessaire, mais comme ils voient la perte de leur vie liée au rétablissement du trône, il est à supposer qu'ils se garderaient bien d'émettre de telles idées. Le temps montrera qu'il y a parmi eux quelques faux frères, et
1. T. I, p. 231. L'éditeur américain a mis « The cochois looks black ». Je crois qu'il faut lire Cauchois : Morris écrit les noms propres comme il les entend et l'on retrouve souvent dans ses transcriptions, la trace de sa prononciation anglaise. Ainsi Cambrises, donne Cumbrésis en prononçant, à l'anglaise, i: & ete: 2.
2. T. I, p, 457, lettre à Washington, 30 septembre 1791.