Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870
186 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE
Tel fut le caractère du nouveau projet de loi présenté le 2 février 1844 à la chambre des pairs par Villemain. Il accordait, en principe, la liberté de tenir une école secondaire à tout Français, âgé de 30 ans et remplissant certaines conditions de moralité et de capacité; mais sur deux points il touchait à la liberté de conscience. L'article IF imposait à tout directeur d’un établissement privé d'instruction l'obligation « d'affirmer par écrit et de signer la déclaration qu'il n'ap« partenait à aucune association, ni congrégation non légale« ment établie en France ». L'article VIT imposait aux petits séminaires certaines restrictions, dans la présentation de leurs élèves au baccalauréat ès lettres, pour lequel on maintenait d’ailleurs le certificat d'étude (art. X).
Le ministre, dans son magistral exposé des motifs, justifia l'article IT en rappelant une disposition presque identique d’une des ordonnances de 1828 qui, depuis quinze ans, était appliquée aux écoles secondaires ecclésiastiques et l’article VIT, par la nécessité d'empêcher les petits séminaires de dévier de leur but en faisant avec privilège concurrence aux collèges.
Chose étrange, la commission nommée pour examiner le projet de loi ne comptait aucun membre de l'Université”; elle élut pour rapporteur le duc de Broglie, et ne pouvait, certes, faire de meilleur choix. C'était à la fois un esprit religieux et un caractère indépendant, ennemi ‘de toute coterie sectaire. Dans son rapport, déposé le 12 avril, il salua le principe de la libre concurrence, promis par la Charte, et rappela qu'il avait été déjà réalisé par la loi de 1833 sur l'instruction primaire. Il acceptait néanmoins les restrictions apportées à la liberté absolue par les articles LE, X et X VIT et amendait le projet sur deux points : il introduisait des magistrats dans le jury départemental, chargé de décerner les brevets de capacité et confiait la rédaction du programme du baccalauréat au Conseil d'État, au lieu du conseil royal de l'Université...
1. Elle se composait de MM. Bérenger (Drôme), duc de Broglie, vicomte de Caux, comte Molé, Passy, comte Portalis, Rouillé de Fonfaine .