Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 293

de M. François de Neufchâteau sur les causes des troubles qui agitent le royaume. L'on en décréta l'impression et l'envoi aux quatre-vingt-trois départements. Ce rapport réunit tout ce qu'on peut désirer : logique, éloquence, lumières, tout en un mot, excepté un point bien essentiel dans les circonstances actuelles, la sévérité. « Le législateur doit être impassible comme la loi. Rousseau l'a dit : « Il faudrait des dieux pour donner « des lois aux hommes ». Et certes M. François de Neufchâteau est bien éloigné de ce point de perfection : philosophe sentimental, il a écouté la voix de son cœur plutôt que celle de la raison; il n’a pas senti combien cette sensibilité, toujours déplacée alors qu'elle compromet la chose publique, le rendait criminel dans un moment où le peuple souffre et demande à grands cris un remède à ses maux; il a craint, pour ainsi dire, de punir les coupables agitateurs qui désolent la France, et n'a pas craint de laisser une nation entière exposée à des troubles funestes, avant-coureurs d'une guerre civile peut-être.

&« Si l'on en juge d'après ce rapport, les mesures qu'on soumettra à la discussion de l’Assemblée seront vaines et dilatoires ; on devrait craindre cependant de lasser la longue patience du peuple. Si ses représentants tolèrent, il pourrait bien, lui, ne pas toujours tolérer. La déportation des prêtres en pays étranger me parait être la seule mesure conforme d'abord à la justice et