Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

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ensuite à la saine politique d'une nation libre. Qu'on temporise tant qu'on voudra, l'on sera enfin forcé d'en venir là. Mais pourquoi ne pas prévenir les maux inévitables qui précéderont cet heureux moment ? Pourquoi laisser le vaisseau de l'État exposé à ces continuelles secousses ? »

Le trouble dans Paris devient extrême et ces discussions brülantes contribuent encore à l'augmenter. Tout est prétexte à suspicion. Le peuple se méfie de la Cour, de l'Assemblée, de la garde nationale. Sur le conseil des Jacobins, il se forme en troupes armées de piques. Edmond mande à son père :

«28 mai 1792.

« La garde du Roi n'est déjà plus qu'un corps de satellites entièrement dévoués aux volontés de leurs chefs, c'est-à-dire à la cause de l'aristocratie : une foule d'anecdotes confirmées par quelques soldats patriotes, qui en ont été chassés, ne prouvent que trop combien l'air de cette cour est corrupteur et combien l'ombre du trône est faite pour étouffer dans les âmes communes et pusillanimes tout sentiment honnête et généreux. Les Parisiens prévoient, enfin, que les journées du 5 et du 6 octobre pourraient bien se renouveler. Les piques du faubourg de Gloire ne resteraient pas alors dans l'inaction. Plusieurs faits semblent présager quelques grands efforts de nos ennemis intérieurs. Paris est le centre de ralliement; les rues sont