Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

318 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

‘parut exagérée et fort douteuse. Un instant après une proclamation fut faite par ordre de Ja municipalité dans tous les carrefours de la ville, destinée à donner au peuple une impulsion salutaire, à lui imprimer un grand mouvement; elle était conçue à peu près en ces termes :

« Citoyens, l'ennemi est aux portes de Paris. Ver« dun qui l'arrête ne peut tenir que huit jours; les « habitants ont juré de vaincre ou de s’enterrer sous « les ruines de la place; vous sentez tous qu'au mo« ment où ces courageux compatriotes se livrent, pour « nous défendre, aux périls et à la mort, il est de notre « devoir d'aller les secourir. Il faut donc que dès au« jourd'hui, dès aujourd’hui même, soixante mille « hommes soient prêts à marcher à l'ennemi, prêts à « périr sous ses coups ou à l’exterminer tout entier. »

« De tous côtés cette proclamation était suivie du cri formidable : Aux armes! Aux armes! Avant la nuit, plus de trente mille hommes s'étaient déjà présentés à la mairie ou dans leurs sections respectives. Les armes manquaient encore ; mais le lendemain, dans certaines sections, l'on en eut plus qu'on n’en voulait. Tous ceux qui ne pouvaient pas partir s'étaient empressés de donner les leurs.

« L'Assemblée, dans ces premiers moments de trouble et d'anxiété, s'est montrée grande, intrépide, en un mot, digne de sa mission ; elle a constamment éloigné d'elle toute idée de découragement, tout sen-