Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 353

ne se confirme pas encore; nous sommes dans une incertitude cruelle. Demain nous irons travailler au camp qui se forme autour de Paris ; tous Les citoyens s'y portent à l'envi; ces travaux seront terminés avant peu. Chacun se prépare à recevoir les Autrichiens. Le moment de tenir nos serments est enfin arrivé, l'heure approche. Adieu, mon ami, la liberté ou la mort! »

L’enthousiasme avec lequel on courait à la défense dela patrie montre bien quelle modification profonde, au point de vue patriotique, s'était accomplie dans l'esprit public depuis 1789.

« Rien n'honore plus la France, écrit Edmond, rien ne fait voir davantage sa puissance, et rien aussi ne fait tant de peine aux aristocrates que cette ardeur de la jeunesse à combler le déficit de l’armée. Sous l'ancien régime, quand le temps de la milice approchait, tous les fils de fermiers et de paysans se désolaient : ce n'étaient que pleurs, ce n'était que tristesse, beaucoup quittaient la campagne et allaient se cacher dans les villes; aujourd'hui, l'Assemblée nationale n'a qu'à faire une invitation, et aussitôt des milliers de soldats sont à ses ordres. Jeudi dernier, quatre hommes du pays de M. Terrier, qui partent pour l'armée, sont venus lui porter une lettre de chez lui. Je demandai à l'un d'eux s'ilneregrettait pas son pays; il me répondit qu'il ne regrettait rien, puisqu'il allait servir la patrie. »

Un fait caractérise bien à quel point-les mœurs étaient changées : lors du décret du 28 décembre 1791,

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