L'Affaire Naundorff : le rapport de M. Boissy d'Anglas, sénateur

SUR LA QUESTION LOUIS XVII 29

Il en résulte qu’il pouvait croire que le cœur de l'en-

pour assister à l'ouverture du corps du jeune roi; et, pouvant compter sur la vérité de son témoignage comme sur le mien propre, je le fis prier de passer chez moi. Saréputationl’avait fait choisir par les membres de la Convention pour fortifier de sa signature la preuve que le jeune roi n'avait point été empoisonné. Ce brave homme refusa d’abord de se rendre au Temple pour constater les causes de sa mort, les avertissant que, s'il apercevait la moindre trace de poison, ilen ferait mention au risque même de sa vie : « Vous êtes précisément l’homme qu'il nous est essentiel d’avoir, lui direntils, et c’est pour cette raison que nous vous avons préféré à tout autre. »Ils n’avaientpas eu besoin d'employer le poison; la barbarie de leur conduite vis-à-vis d’un enfant de cetâge devait immanquablement le conduire au tombeau. Sa bonne constitution prolongea son supplice; la malpropreté dans laquelle on le laissait volontairement, et le défaut d'air et d'exercices, lui avaient dissous le sang et vicié toutes les humeurs. Ce jeune prince, que j'avais quitté dans un état si frais et si sain, était dans un état affreux, suite nécessaire de la cruelle vie à laquelle des êtres aussi corrompus qu'impitoyables l'avaient condamné. Sa jeunesse, sa beauté et ses grâces n’avaient pu attendrir la dureté de leurs cœurs.

Je demandai à Jeanroi s’il l'avait bien connu avant son entrée au Temple. Il me dit qu'il l'avait vu rarement, et ajouta, les larmes aux yeux, que la figure de cet enfant, dont les ombres de la mort n'avaient pu altérer les traits, étaitsi belle et si intéressante, qu’elle était toujours présente à sa pensée, et qu'il reconnaîtrait parfaitement le jeune princesi on lui en montrait un portrait. Je lui en fis voir un frappant que j'avais heureusement conservé. « On ne peutsy méprendre, dit-il, fondant en larmes, c’est lui-même, et on ne peut le méconnaître. »

Ce témoignage fut encore fortifié par celui de Pelletan, qui, appelé chez moi en consultation quelques années après la mort de Jeanroi, futfrappé de la ressemblance d’un buste qu'il trouva sur ma cheminée avec celle de ce cher petit prince, et, quoiqu'il n’eùt aucun signe qui pût le faire recon-

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