L'atomisme d'Épicure
ne
de l’homme a sa racine profonde dans la nature. Fatis uvolsa voluntias n'a pas libéré l’homme seu] de la nécessité inexorable dont Epicure avait horreur ; elle en a libéré la nature entière. La liberté de l'homme, comme le plus haut degré de la liberté de la nature, était rarement posée sur une base aussi profonde.
En cet endroit une question se pose d'elle-même. Est-ce que les atomes d’Epicure sont les atomes d’un yrai matérialisme, quand ils sont doués par la faculté de dévier ? D'après la bonne observation de Lange, le matérialisme nie les états intérieurs de l'atome, car, ces états admis, l'atome se transforme nécessairement en monade (r). Est-ce qu'Epicure n’a point- déjà fait le premiér pas qui conduit de l'atome à la monade ? Nous pensons qu'il a fait ce pas. Il semble paradoxal que le matérialiste qui a le plus vivement insisté sur l’insensibilité des’ atomes, et qui à le plus énergiquement combattu l'éternité de l'esprit et de l'âme, s’est quelque peu éloigné, quoique inconsciemment, des principes du matérialisme. Cette inconséquence montre que le matérialisme d'Epicure n'était pas aveugle comme celui des représentants modernes. Notre philosophe n’a pas tout simplement nié tous les faits qui s’opposaient à son système. De même, de sa doctrine sur les minima dans l'atome, qui a sous-entendu la composition de l'atome, il était facile de déduire la théorie sur la déviation et de la rapprocher de la Monadologie. La preuve la plus évidente qu'Epicure a fait ce pas est la monade de Giordano Bruno, conçue sous les vives réminiscences de l’atomisme d'Epicure, tel quil se trouve exposé chez Lucrèce (2).
L'avis de Mabilleau que Lucrèce a modifié la conception du clinamen d'Epicure dans de sens de l'extension jusqu’à la volonté de l'homme (Ouvr. cité p. 294), est aussi arbitraire. Car pourquoi Lucrèce aurait] changé dans ce point Ja doctrine de son maitre, quand, il Pa, suivi sur tous les points moins importants ? Enfin, comme nous l'avons déjà constaté, les autres textes aussi lient le clinamen à la volonté de l'homme.
(1) Geschichte des Haterialismus, I Band, S. 419.
(2) Mabilleau soutient que la philosophie de Leïbniz doit à Ja philosophie atomistique plus qu'on ne l'a dit (Ouvr. cité p. 489). En réalité, Leibniz ne peut être lié à l'atomisme qu'indirectement, c'est-à-dire par la Monadologie de Bruno.