L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

_ gg XVII. — CROATIE-SLAVONIE

De même que les autres groupements slaves, la Croatie-Slavonie ne compte qu’une infime minorité d'Allemands, 5%, et de Magyars, 4%, localisés sur certains points comme je le montrerai tout à l'heure. |

Le tableau — ci-après — montre que les Croates sont en très grande majorité. En effet, les Croates sont au nombre de 1.638.354, soit 62 %, et les Serbes 644.955, soit 26,5 %. Il y a donc proportionnellement plus de Croates en Croatie que de Magyars en Hongrie et d’Allemands en Autriche.

De tous les Yougo-Slaves de l’Autriche-Hongrie, les plus purs de race sont probablement les Slaves et les Croates des campagnes. Ils sont, généralement, grands, forts, d’une belle prestance et portent fièrement la tête; ils sont bienveillants et honnêtes. Les Serbo-Croates ont accepté pour langue commune le serbe. En 1866, le Par'ement de Zagreb décida même que la nation s’appellerait désormais officiellement Serbo-Croate. Mais s’ils sont unis par la langue ils sont séparés par la religion. Les Croates sont en grande majorité catholiques et les Serbes orthodoxes; cette question trouble quelquefois leurs rapports et pourrait troubler leurs rêves d’avenir. Or, il ne faut pas oublier que, non seulement Belgrade a obtenu jadis du Phanar la restauration du patriarcat serbe, elle vient d'obtenir récemment un concordat avec le Pape. Les différends religieux peuvent donc s’apaiser facilement, chaque religion ayant son protecteur autorisé sous l’autorité civile.

M. le professeur Émile Haumant, dont l’autorité scientifique est parfaitement assise en matière de slavisme, a cherché à établir un parallèle entre Serbes et Croates. Il aperçoit, grâce à sa connaissance absolue de la linguistique, de la géographie et de l’histoire, que, s’ils présentent bien quelques différences, ils ont tout de même un air de famille. Et l’expérience acquise par de fréquents séjours dans la région serbo-croate fait qu’il attache une certaine importance à la comparaison du costume. « En somme, dit-il (1), l’air de famille, s’il existe, est dans le costume et l’allure; encore varie-t-il selon les provinces. La Croatie d'aujourd'hui est toujours — au moins en été — la Croatie Blanche des Byzantins. En Dalmatie, les toques rouges, orange, groseille, évoquent des images de la Vénétie d’autrefois, encore qu’on les prétende souvenir des Turcs et dernier avatar de leur turban. En Bosnie, ces turbans sont partout, même sur des têtes de chrétiens, et le voile impénétrable des musulmanes réjouirait l’œil du Vieux-Ture le plus intraitable. Le costume national — s’il en est un — c’est celui de la Choumadia serbe, avec la Choubara, le haut bonnet noir, ou la Chajkatcha, le bonnet de police hérité des Autrichiens, la veste brune soutachée de noir, rejetée comme un dolman, en hiver, par-dessus le gilet brodé et rembourré; en été, sur la chemise que serre une ceinture multicolore. Comme chez les moujiks, cette chemise retombe sur la culotte, engagée elle-même dans de gros bas qui finissent dans les Opanke nationales; on ne voit pas, en Serbie, de pieds nus comme en Autriche. Quant aux femmes, leurs tabliers de tapis-

(1) La Nationalité serbo-croate ( Annales de Géographie, t. XXIII, 1914, p. 55, Paris).