L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

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maîtres de leurs destinées. L'Italie a connu, pendant de trop longues années, le poids du joug autrichien, pour ne pas se réjouir, avec les Slaves du Sud, de leur délivrance, et les aider fraternellement à s'épanouir dans leurs frontières naturelles.

L'Italie sera donc incontestablement maïtresse de l’Adriatique par le seul ascendant de sa puissance morale, appuyée sur une suprématie matérielle incontestable et qui sera incontestée par les populations slaves vouées à l’agriculture. .

Une telle politique assurerait à jamais la gloire et la puissance italiennes; il me plaît de penser que ce sera l’objectif de notre sœur latine (1).

L’émancipation de tous les Slaves, sous la protection morale de la Russie, semble avoir soulevé, chez quelques politiques pessimistes, la crainte d’un péril slave qui succéderait au péril germain. Je suis heureux d’avoir des arguments puisés à bonne source pour y répondre d’une manière péremptoire.

Il Secolo, de Milan, a publié, dans son numéro du 3 avril 1915, l'interview que son correspondant de Pétrograd est allé demander à M. Paul Milioukov, président de la première Douma d’Empire. L’éminent homme d’État russe y parle des questions que j’étudie en ce moment et voici un extrait de ce qu’il a déclaré : « Je crois fermement à la fin de la Turquie et au démembrement de Autriche. Quel sera notre programme pour l'Autriche? L’application du principe de Mazzini : des nationalités indépendantes et libres, arbitres de leurs

destinées. Que ce principe constitue un péril pour l'Autriche, c’est plus que!

naturel; mais je ne vois pas où et comment il peut constituer un péril pour les autres. La Serbie aux Serbes, la Croatie aux Croates, la Bohême aux Tchèques, la Hongrie aux Hongrois, les régions italiennes à l’Italie, les régions roumaines à la Roumanie. Est-ce là le péril slave? On craint l’impérialisme de la Russie : eh bien, je vous affirme que la grande majorité des Russes considère le péril slave comme un grand péril avant tout pour la Russie. Ni impérialisme pacifique, ni impérialisme agressif; tel est notre programme.

« Ceux qui s’épouvantent du péril slave ignorent avec quelle intensité les idées démocratiques, qui se déploieront après la guerre, fermentent dans notre pays.

«Les Slavophiles les plus raisonnables, et parmi eux le prince Eugène Troubetzkoï, sont contraires au panslavisme tel qu’il est compris par ceux qui craignent le péril slave. L'indépendance même des Slaves d'Autriche est un acte contre le panslavisme. L'indépendance individualisera et fortifiera le libre orga-

(1) Depuis la rédaction de ces lignes, M. Salandra, président du Conseil des ministres, a prononcé un important discours au Capitole, le 2 juin 1915. Il s’est exprimé ainsi :

«Je déclare que nous ne voulons l’assujettissement, ni le protectorat de personne. Le rêve d’hégémonie universelle est brisé. Le monde est insurgé. La paix, la civilisation, l'humanité future doivent se fonder sur le respect complet des autonomies nationales. »

Ces paroles, d’une si noble élévation de pensée, ont été couvertes d’applaudissements. Elles ont dépassé l’enceinte solennelle du Capitole et je suis certain qu’elles ont été entendues et applaudies par tous les Serbo-Croates.