La France sous le Consulat

218 LA FRANCE SOUS LE CONSULAT

ses amis, M. d’Aigrefeuille, ancien procureur général à la cour des aides de Montpellier. — Parmi les salons ministériels, celui de Talleyrand, ministre des affaires extérieures, était fameux par l'esprit, le ton et les manières du maître de maison qui, sous le Directoire, avait ramené dans le Paris de la révolution la politesse de l’ancien régime : ses dîners étaient exquis ; son cuisinier Carème jouissait d’une renommée européenne. Dans le salon de Lucien Bonaparte, qui fut quelque temps ministre de l’intérieur, on causait littérature, poésie, théâtre : des auteurs y lisaient leurs œuvres. Le salon de Joseph Bonaparte, frère aîné du Premier Consul, dans sa belle résidence de la rue du Rocher, où l’on dansait, où l’on écoutait de la musique et des lectures littéraires, où l'on jouait la comédie, était le rendez-vous des créatures et des partisans du Premier Consul.

Sous la domination inquiète et jalouse de Bonaparte, sous la surveillance soupconneuse de sa police, les salons politiques ont perdu ou n’ont pu conquérir l'influence qu'ils avaient sous le Directoire. Le plus important a été celui de M*° de Staël, rentrée à Paris après le 18 brumaire, installée rue de Grenelle au mois de mars 1802. M" de Staël rêva, un instant, le rôle d'Egérie du Premier Consul, auquel elle prodigua les coquetteries et les avances. Bientôt désillusionnée, elle fit de son salon le brillant foyer de l'opposition libérale au despotisme naissant. Autour d’elle et de ses deux amies, M"° Récamier et M" de Beaumont, se groupent Narbonne, l’ancien ministre de la guerre sous la Législative, Camille Jordan, Gérando, Fauriel. Benjamin Constant, qui prit dans ce salon la place occupée par Narbonne, est le digne partenaire de M°° de Staël : sous l’aiguillon de sa conversation tour à tour éloquente et sarcastique, celle-ei se livre à une «verve amère et mordante » que la colère déchaîne en elle, et qui porte, disent les auditeurs, « le fer et le feu: ». A vrai dire ce n'étaient

1. A Sorel, M=- de Staël, p. . |