"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (са посветом аутора)

LES ILLVRIENS AVANT « LA GUZLA ».

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entendit un tumulte horrible, au milieu duquel s’élevait le nom du fameux bandit dalmale. Un homme poursuivi s'élança dans l’escalier, et passa auprès d’elle comme un éclair. Antonia courut vers sa chambre ; et, en y rentrant, il lui sembla qu’on la nommait d’une voix sourde. Qui m’appelle ! dit-elle en tremblant. C’est moi répondit Jean Sbogar, ne t'effraie pas. Adieu pour toujours. Quelques instants plus tard, le château de Duino était tombé aux mains des ennemis. On conduisit Jean Sbogar et les siens à Mantoue pour y être jugés. La jeune fille trouvée parmi eux, et dont l’état de démence était bien constaté, fut placée dans un hôpital et confiée aux soins d’un médecin célèbre. Elle recouvra la raison et se décida à prendre le voile dans la maison où elle avait trouvé asile. Le jour de la profession était arrivé, lorsque deux sbires vinrent la chercher au nom de la justice. L’instruction du procès était achevée ; ils avaient été condamnés à mort au nombre de quarante, mais on ne savait si Jean Sbogar était parmi eux, lui, dont personne ne connaissait le visage, et dont le nom continuait à inspirer la terreur dans les campagnes. On se souvint de la jeune fille trouvée dans le château et l’on pensa qu’elle le reconnaîtrait parmi ses complices. Antonia fut donc placée dans la grande cour de la prison, au moment où les condamnés devaient y passer pour la dernière fois. Ils parurent; l’aspect de l’un d’eux la frappa immédiatement: c’étaitlui. « Lothario ! » s’écriat-elle d’une voix déchirante. Lothario se détourna et la reconnut. « Lothario ! » dit-elle en s’ouvrant un passage au travers des sabres et des baïonnettes; car elle comprenait qu’il allait mourir !