"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (са посветом аутора)

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CHAPITRE PREMIER.

A Smarra succède une dissertation très ingénieuse, qui tend à prouver que le rhombus dont se servaient les magiciennes de l’antiquité, était ce jouet dernièrement renouvelésous le nom de diabolo, iouet qui faisait fureur en 1821. C’est après cette dissertation que vient la plus importante partie de l’ouvrage, du moins en ce qui nous concerne. Elle se compose de trois courts poèmes, également traduits de l’esclavon, affirmait Nodier avec plus de raison. Le premier est un « poème de tradition morlaque », le Bey Spalatin, pièce inédite, disait le traducteur, « une de ces romances nationales qui ne sont conservées que par la mémoire des hommes ». En vingt-cinq pages de prose française, le poète y racontait la triste histoire du vieux bey Spalatin : l’enlèvement de sa petite-fille, la belle Iska, par le cruel Pervan, « chef de mille heyduques farouches », et la course désespérée du vieillard, les poursuivant jusqu’au château même de l’intrépide brigand. Sa barbe descend en flocons argentés sur ses flancs robustes qu’embrasse une large courroie. Le hanzar est caché dans les vastes plis de sa ceinture de laine bigarrée. La guzla pend à son écharpe. Il monte d’un pas ferme encore le sentier périlleux du rocher qu’il a vu pendant quatre-vingts ans sous les lois de sa tribu. Il s’arrête devant la palissade impénétrable des jardins de Zetim. Là il détache la guzla mélodieuse, instrument majestueux du poète, et frappant d’une main hardie avec l’archet recourbé la corde où se lient les crins des flères cavales de Macarska, il commence à chanter. Il chante les victoires du fameux bey Skender qui affranchit sa patrie de la terreur de l’ennemi ; les douceurs du sol natal, les. regrets amers de l’exil : et chaque refrain est accompagné d’un cri douloureux et perçant ; Car le chant de deuil du Morlaque ressemble à celui du grand aigle blanc qui plane en rond sur les grèves et tombe avec un gémissement aigu à la pointe la plus avancée du promontoire de Lissa, Quand il voit la vague immense se rouler comme un long serpent sur l’onde épouvantée, se tourner en replis innombrables, s’arrondir,