"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (са посветом аутора)

« LA GUZLA » DANS LES PAYS SLAVES.

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cercle de nos littérateurs, le poète russe était d’une modestie extraordinaire en présence de Mickiewicz; évidemment il s’efforçait de l’exciter à parler, et quand il exprimait lui-même une opinion, il se tournait vers lui pour obtenir l'approbation du maître. En réalité, Pouchkine, ni par l’éducation, ni par la largeur de l’érudition, ne pouvait se comparer à Mickiewicz. Il l’avouait lui-même avec une sincérité qui est toute à sa gloire... Un soir, dans une réunion donnée en l’honneur du poète russe. Mickiewicz improvisa. Pouchkine se leva brusquement de son siège et, se prenant aux cheveux, il se mit à courir par la salle en criant : « Quel génie! Quel feu sacré! Que suis-je auprès de lui' 1 ! » Aussi ce fut pour Pouchkine une consolation de n’avoir pas été la seule dupe de Mérimée ; il se trouvait en bonne compagnie. Dans la notice qui précède les Chants des Slaves occidentaux, il raconte, en effet, qu’il avait consulté Mickiewicz à propos de la Gusla. « Ce poète était, dit-il, un critique clairvoyant et un délicat connaisseur de la poésie slave ; il ne doutait pas de l’authenticité de ces chants. Un érudit allemand avait même écrit là-dessus une dissertation considérable 2 . » Il avait donc bien le droit, lui, de s’y être trompé, quand ces écrivains qu’il jugeait compétents s’y étaient laissés prendre. En réalité, ces prétendus connaisseurs étaient aussi ignorants que lui; la « dissertation » de « l’érudit allemand » n'existe pas et n’a jamais existé; et Mickiewicz ne fut jamais un critique autorisé en matière de poésie serbo-croate. Du reste, nous en parlerons tout à l’heure. Il conviendrait, en effet, de dire auparavant quelques

1 Louis Loger, op. cit., pp. 232-334. 2 Ibid. 33