"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (са посветом аутора)

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CONCLUSION.

et préfère les pays à demi civilisés; il se plonge avec délice dans une Espagne de gitanos, de toréros et de cigarières, il fréquente des contrebandiers basques, assassins authentiques, voleurs de grands chemins, bandits corses; bohémiens de toute sorte, vieilles cartomanciennes, filles en cheveux : voilà le monde pittoresque où il se plaît. Es de nostras, disait-on dans les roulottes, de ce gentleman distingué au visage glabre; et ce compliment sincère ne lui faisait pas moins plaisir, dit son biographe, que les mots les plus flatteurs qu’il pùt entendre dans les deux illustres compagnies auxquelles il appartint. C’est ainsi qu’après avoir imaginé, dans le Théâtre de Clara Gazul, toute une Espagne de fantaisie, ou même avant. son goût personnel et ses lectures le portent vers un pays bien moins connu et bien plus pittoresque que ne l’était l’Espagne qui déjà était entrée dans le domaine littéraire. Les romans de Charles Nodier lui avaient signalé l’lllyrie. D'autre part, l’amour du primitif avait poussé Mérimée du côté de la poésie populaire. A l’école de Fauriel, le jeune écrivain avait appris à « découvrir comme le cri de la nature souvent sauvage et bizarre, mais quelquefois sublime », à goûter le charme exquis de ces productions naïves. Car il y avait au fond de cet être d'apparence égoïste et sec, un véritable poète, un peu timide et jaloux parce que conscient de son impuissance en comparaison des « grands hommes du jour », mais un poète quand même, capable d’être ému et d’émouvoir. S’il avait peur du lyrisme exubérant, s’il avait en horreur l’emphatique et l’artificiel, cet ennemi de la sensiblerie était, après tout, d’une sensibilité et d'un enthousiasme aussi grands que discrets.