La question du sel pendant la Révolution

5

en bande; des villages entiers étaient dépeuplés par la lutte entre les agents de la gabelle et les contrebandiers de sel, ainsi que par la condamnation de ceux-ci à la mort, aux galères ou à la prison. La contrebande pacifique atteignait son maximum à Paris; là, grâce aux difficultés du contrôle, la fraude faisait diminuer la recette du monopole d'environ 25°/,'.

Malgré ces pertes, la gabelle de sel était une excellente affaire pour ces fermiers. Son prix, en 1789, était de 58,560,000 livres ?. En 1780 avait été conclu un arrangement pour les gabelles entre la couronne et un nommé Salzard *; le 1°* janvier 1787 il en fut fait un nouveau avec Jean-Baptiste Mager‘. C’est en présence de ce contrat, conclu pour six ans, que la Révolution allait se trouver.

L'administration générale de la ferme était à Paris; son chef était, en 1789, un nommé Cochereau*’; c’est par ses mains que passaient les affaires relatives aux grandes gabelles, aux petites gabelles, aux gabelles locales, à la régie des salines, aux concessions de francs-salés ‘, aux autres privilèges du même genre, etc. etc.

La ferme tirait le sel dont elle avait besoin de deux sources différentes : des salines de l'Est de la France et des marais salants des bords français de la Méditerranée et de l'Atlantique.

Le sel leur coûtait environ 3 deniers la livre dans les marais salants, 6 à 7 deniers à Salins, 15 deniers à Chaux; mais la grande majorité du sel ne leur revenait pas plus cher que 3 à 4 deniers en moyenne ‘.

Quant aux procédés de production, nous les examinerons plus loin.

Les centres d’affaires étaient les « greniers à sel», nom qui correspond et à des tribunaux spéciaux et à des entrepôts de sel.

1 Cf. H. Moxix. L'état de Paris en 1789. Paris, 1889, p. 570.

? Elrennes financières. Paris, 1789, p. 43. (Biblioth. nation. Le #/;3-.)

3 «C’est un usage d’avoir pour toutes les fermes et régies un seul adjudicataire, dont le nom paraît dans tous les actes, et dont les fermiers et régisseurs généraux ne sont que les cautions. Les baux sont distingués par les noms des adjudicataires.» (Etrennes financières, 1789, p. 38.)

4 Dans ce bail les fermiers généraux affermaient les gabelles, le tabac, les entrées de Paris; ils « régissaient» pour le compte du roi les droits de traite et le Domaine d'Occident.

5 Cf. Almanach royal pour 1789.

6 Exemption des droits de gabelle.

7 Cf. (A.-N. IsNARD.) Traité des richesses. Londres et Lausanne, 1781, t. I, p.271.