La Serbie

RÉDACTION et ADMINISTRATION 69, rue du XXXI Décembre - Genève : Téléphone. 14.05

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URNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE

Paraissant tous les Dimanches

| Rédacteur en chef: Dr Lazar Markovié, professeur à l’Université de Belgrade

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ti messaye du président Wilson

Après huit mois de silence, le président | grande république américaine ? Me. serait-il ! des Etats-Unis a pris de nouveau la parole.

De son dernier message trois choses sont à retenir:

Pour traiter avec les puissances centrales il faut préalablement obtenir des garanties de leur sincérité. Donc, point de paix tant que l'ennemi fait preuve de mauvaise foi. Partant, point de paix avec les gouvernants actuels dont les paroles et les actes n'inspirent plus aucune confiance aux autres peuples. Vu la persévérance dans l'erreur initiale que les dirigeants austro-allemands montrent en toute occasion, il serait vraiment absurde de traiter avec eux. Un contrat passé entre des parties dont l’une n’est pas de bonne foi ne serait qu'une duperie.

Pour garantir la paix future contre une Allemagne qui continuerait à vivre sous le gouvernement d'hommes pour lesquels « la force prime le droit », le président Wilson propose de ne pas faire participer l’Allemagne aux libres rapports économiques qui à l’avenir seraient noués entre les peuples. Dans le cas où l’on ne viendrait pas à bout de la résistance allemande à force de soldats et de canons, la future Société des Nations ne s’ouvrirait pas pour l'Allemagne tant qu’elle resterait gouvernée comme elle

| © Test actuellement. Dans la Société des Na-

tions libres il ne peut y avoir de place que pour les nations libres. Si l'Allemagne veut jouir des bienfaits de cette société nouvelle, elle n’a qu’à se réformer elle-même. Le jour où elle sera régénérée, elle sera digne de foi et pourra inspirer confiance. C'est là une sanction pratique, une mesure coërcitive par laquelle on espère forcer l'Allemagne à changer sa politique impérialiste et antisociale, danger permanent pour les autres peuples. Du reste, c’est là une mesure d'ordre général applicable à tout autre Etat ou nation aux tendances impérialistes et perturbatrices. En effet il s’agirait de mettre les Etats malfaisants au ban de l’humanité, tout comme la société le fait pour les individus qui enfreignent les lois sociales. Et quelle mesure pourrait être plus efficace que de fermer le robinet par lequel pénétraient les matières premières qui nourrissaient l’industrie allemande avant la guerre ? Empêcher l’industrie allemande de se développer et d’inonder le marché mondial, c’est en même temps ôter à l’Allemagne les moyens de menacer tous les autres peuples par ses armements excessifs et le danger permanent de la guerre. Fe M. Clémenceau ne visait pas à un autre effet lorsqu'il voulait exclure l'Allemagne de la Société des Nations. M. Wilson n’a fait donc que préciser cette idée en lui donnant une forme concrète et une valeur pratique, Entre les deux points de vue la contradiction que certains publicistes voulurent voir n'existe pas, mais il y aurait plutôt une différence de méthode et de degré. Où l’on pourrait discerner une contradiction, ce serait, nous semble-t-il, dans la partie du message qui expose les motifs ayant déterminé le président’ Wilson

_à déclarer la guerre à lAutriche-Hongrie.

En réalité cette partie du message présente une lacune, car s’il est vrai que l’AutricheHongrie n’est qu’un instrument de l’Allemagne, la Turquie et la Bulgarie ne le sont PaS moins, Pourquoi donc laisser ces deux Etats abuser encore de la confiance de la

pas plus logique et même plus prudent de couper court une fois pour toutes.aux agissements sournois de ces alliés de l’Allemagne? Pourtant telle qu’elle est, la déclaration de guerre que contient le message vient à propos pour prouver la détermination américaine à poursuivre la guerre jusqu’à victoire malgré la défection russe.

_ L'importance du dernier message de M. Wilson n’échappera à personne. Il est de nature à réjouir les Alliés et à confondre leurs ennemis. L’attitude de la presse allemande est le meilleur indice du poids que la menace américaine va faire peser Sur l'Allemagne. Tout l'espoir de l’Allemagne repose sur l’activité industrielle qu’elle projette de développer après la guerre. Lui montrer l’inanité de ses espérances, c’est briser le ressort moral qui soutient le peuple allemand dans le conflit, où il se sent déjà à moitié vaincu. C’est pourquoi aucun journal allemand n’a jusqu’à présent publié intégralement le message américain.

Si nous ne parlons pas ici de l'effet que la voix américaine pourra produire en Russie, c’est que dans ce pays règne en ce moment, à côté de. l'anarchie, la pire des

terreurs. La voix de la conscience est é- !

touffée par la force, là où elle n’est pas dominée pär le concert des pacifistes corrompus. La censure y sévit comme jamais sous l’ancien régime et la liberté est noyée

dans le sang des meilleurs fils de la Russie. |

Sinon comment pourrait-il arriver que la Russie révolutionnaire, républicaine et dé-

mocratique se rangeât du côté de l’Alle-

magne, l’Autriche-Hongrie et la Turquie, contre la France, l'Angleterre et les EtatsUnis ?

En plus de la menace du blocus contre l'Allemagne et de la déclaration de la guerre à l’Autriche-Hongrie, le dernier message contient la déclaration du droit de tous les peuples de disposer de leur sort. C’est pourquoi il trouvera un écho profond dans le cœur des peuples opprimés. C’est surtout pour ces peuples et pour les petits Etats de l’Europe que l'intervention américaine dans le conflit constitue une garantie

précieuse. M. D. M.

.M. Caïilaux contre ia Serbie

Le gouverneur militaire de Paris, en demandant la levée de l’immunité parlementaire de M. Joseph -Caïllaux, a fait part d’une série de faits extrêmement graves à la charge de l’ancien président du conseil. « Au cours de son séjour à Rome, en décembre 1916, lit-on dans ce réquisitoire, M. Caillaux exposait que le ministère Briand était à la veille d’être renversé, qu'il serait sans doute remplacé par un ministère Clemenceau qui ne pourrait vivre qu'en intensifiant la guerre, mais que la France, bien vite épuisée par ce nouvel effort militaire, ne pourrait pas soutenir la lutte au delà du printemps 1917; qu'à cette heure tragique, il prendrait alors le pouvoir et qu'il signerait la paix. Il faut donc, disait-il, que l'Italie se prépare de son côté à faire avec l’Allemagne une paix séparée ; lé monde sera étonné des avantages que, dans ces conditions, l'Allemagne pourra accorder à l'Italie et à la France, car tous les frais de guerre devront être payés par la Russie et les Balkans. La Serbie disparaîtra, ajoutait-il, et elle n'aura que ce qu’elle mérite ; quant à la Roumanie, elle disparaîtra également; c’est un malheur, maïs il vaut mieux que ce soit elle qui paye la casse que nous, »

Nous attendons la décision de la Chambre française avant de parler plus amplement de ce triste événement. £

Une lettre du député Wendel

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Nous, venoris de, recevoir de. M. Herann Wendel, dépüté au Reichstag, la ietsuivante :

rh tre Francfort, le 6 décembre 1917.

C’est avec un étonnement profond que je lis dans le numéro 48 de votre journal de «l'affirmation de M. Hermann Wendel, dans le « Vorwärts » du 19 novembre, que les articles de « La Serbie » sur la Bulgarie et le peuple bulgare, tous basés pourtant sur les documents bulgares, manifestent une haine passionnée et une injustice aveugle. » Cela doit ètre une erreur de votre part, d'autant plus inexplicable pour moi, que je n'ai jamais et nulle part prononcé une affirmation pareille.

Veuillez agréer mes sentiments respecueux. Hermann WENDEL député au Reichstag.

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Vérification faite, nous sommes obligés de reconnaître notre erreur, qui n’est qu'un

lapsus calami, et d’en exprimer nos

regrets à M. Wendel. Mais si le « Vorwärts » du 19 novembre ne contient aucune des paroles que nous lui avions prétées, l’« Arbeiter Zeitung » de la même date, dans un article intitulé: « Les journaux des émigrés yougoslaves en Suisse » et signé H. Wendel, a dit au sujet de « La Serbie » textuellement ce qui suit :

« Les articles de « La Serbie » s’occupent, à côté de la question proprement serbe, du problème yougoslave en particulier; une grande attention est par suite accordée dans ses colonnes à ce qui se passe dans les territoires et les parties slaves de l’Autriche-Hongrie ; la Bulgarie ne peut pas se plaindre non plus d’être mal partagée et, comme toujours la querelle entre parents est plus envenimée que la dispute entre étrangers, il apparaît, dans la façon de traiter le peuple yougoslave voisin, la haine la plus passionnée et une injustice aveugle, notamment en ce qui

concerne le peuple bulgare (und.

wie immer Streit zwischen Blutsvenwandten vergifteter ist als Zank unter Wesensfremden, zeigt sich in der Behandlung des südslavischen Nachbarstammes am ehesten leidenschaftlicher Hass und verblendete Ungerechtigkeit namentlich was das bulgarische Volk angeht ». |

Comment expliquer alors les paroles du député Wendel « qu’il n’a jamais et nulle part prononcé une affirmation pareille » ?

Lara S . a —a—p—Z——————2

L'AUTRICHE ET LA SERBIE

— Nouvelles calomnies autrichiennes —

Le « Temps » du 14 décembre publie l’article suivant de notre rédacteur en chef :

Le discours du comte Czernin aux Délégations contient, sur la question de l’ori-

_gine et des responsabilités de la guerre, la thèse habituelle des puissances germaniques sur le péril serbe, et la complicité de la Russie, poussant la Serbie à ne pas accepter l’ultimatum autrichien. Cette fable se répète presque automatiquement dans tous les discours des hommes politiques de Vienne et de Budapest, quoiqu'il soit évident pour tout le monde, comme le « Temps » de l’autre jour le constatait fort justement qu'il ne suffit pas de répéter des contrevérités pour qu’elles deviennent des vérités. Nous ne voulons pas discuter à fond la question de la culpabilité serbe ou autrichienne, parce que cette question est définitivement tranchée, grâce aux études approfondies de l’auteur de « J'accuse » et de MM. Pierre Bertrand (L’Autriche a voulu la guerre) et Jules Pichon (L’Autriche-Hongrie « brillant second »). Lorsque les Allemands auront publié toutes leurs pièces diplomatiques, le crime qu’ils ont commis apparaitra alors dans toute sa brutalité, En attendant et devant ces nouvelles accusations du comte Czernin contre la Serbie, nous tenons à rappeler quelques faits admis et avoués par les Austro-Allemands, qui présentent le conflit austro-serbe sous une lumière bien différente de celle que le comte Czernin a empruntée à ses collègues Forgach, Dumba, Prohaska et autres. Les voici :

Au mois d'août, la « Frankfurter Zeitung», dans un article de fond très remarqué, soumettait toute la politique extérieure de l'Allemagne à un examen rétrospectif et constatait, parmi d’autres faits, que l’Empire avait eu tort de laisser l'Autriche agir seule dans les Balkans et traiter la Serbie de façon à rendre le conflit inévitable. Le même avis sur le caractère agressif de la politique autrichienne dans les Balkans fut exprimé par M. Hermann Wendel, député socialiste, dans la revue « Die Glocke », ainsi que par M. Karl Kautsky, le chef spirituel des socialistes allemands, dans une série d'articles publiés dans'la « Neue

Zeit» en juin-juillet sur l’Autriche et Ja Serbie. Il paraît que c’est à la suite de ces articles que Kantsky fut mis à la porte de sa propre rédaction! Ajoutons encore que la même opinion défavorable à l'Autriche se retrouve dans les déclarations faites il y quinze jours par le comte Karolyi et le professeur magyar Oscar Jaszi, ces .deux émissaires de « paix » du comte Czernin en Suisse. |

Quant à la réponse du gouvernement serbe à lultimatum autrichien, je rappelle l’aveu formel de la « Neue Freie Presse » du 5 janvier 1917, que la réponse serbe était satisfaisante. Pour une fois, l’organe principal de la monarchie austro-hongroise a été sincère, mais cet excès de franchise momentanée n’a pas empêché le comte Czernin de jeter à son tour des pierres sur la Serbie. Cette attitude du ministre des affaires étrangères austro-hongrois est d'autant plus étrange que le même comte Czernin, de concert avec le comte

-Berchtold, le premier conseiller privé du

jeune empereur, a envoyé en Suisse un de ses confidents, un fameux journaliste, Czenek Slepanek, avec la mission de prendre contact avec des Serbes et de leur proposer une réconciliation avec la monarchie. Le nommé Stefanek, qui remplissait déjà avant la guerre une mission spéciale en Serbie, a montré aux Serbes, dont il a eu le courage de s’approcher, des lettres authographes du comte Berchtold, pour les convaincre du caractère sérieux de sa mission.

Lé comte Czernin faisait dire aux Serbes que l'Autriche serait prête à réparer les torts qu'elle leur avait causés, qu’elle céderait la Bosnie-Herzégovine à la Serbie et accorderait à notre pays une sortie à la mer, qu'elle ne S’opposerait pas non plus à l’union de la Serbie avec le Monténégro, et qu’elle n’appuyerait pas les exigences bulgares, n'étant lié avec les Bulgares par aucun traité particulier.

Pour tout cela elle ne demanderait à la

Serbie qu’une chose : que les Serbes récla- :

ment la paix! L'offre de M. Slepanek a reçu des Serbes une digne réponse, après laquelle cet agent autrichien a trouvé préférable de quitter Genève et de s’en aller

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