La Serbie

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LA SERBIE

” Samedi 19 RSR OO TASER EE TP et de PE MR 1918 - No 3

Saint Joseph-Caillaux

Cette fois-ci on le tient, ce défaitiste Caïillaux, le grand saboteur de la guerre. Nous étions sûrs que +ôt ou tard il faudrait passer par là. M. Clémenceau n’y allait pas par quatre chemins sachant bien qu’il est difficile de pralre à tout le monde,

Notre pays n'a pu acquérir les bonnes grâces de M. Caillaux. « Lorsqu'elle sera trahie, elle n’aura que ce qu’elle mérite », disait-il à propos de la Serbie. Pourtant la fidélité de celle-ci et ses sacrifices suprêmes lui valurent les sympathies et l’admiration du monde entier. Pourquoi donc M. Caillaux s’acharnait-il contre la Serbie, amie et alliée de la France?

Mais pour juger M. Caïllaux et ses propos il faut tenir compte de son caractère. Etant de la secte d'Epicure, il ne peut guère spprécie le stoïcisme, Il ne peut, non plus, comprendre qu’un peuple sacrifie tout à son honneur. Le caractère mercantile de M. Caillaux l'empêche de nous estimer et de nous aimer, « Si vous prêtez aux Grecs, disait Polybe,

--un-talent aver dix promesses, dix cautions et autant

de témoins, il est impossible qu'ils gardent leur foi, mais parmi les Romains soit qu'on doive rendre compte des deniers publics ou de ceux de particuliers on est fidèle à cause du serment que l’on a fait.» (Polybe, livre wi). Voilà déjà dans l’antiquité des gens qui n'avaient pas les mêmes notions d'honneur ni les mêmes idées, ou commé le disait M. Caillaux « la même opinion ».

Ce qui est plus étonnant chez M. Caillaux, c’est qu'il avait très mal jugé de son propre pays. Il l’avait méconnu tout comme l'avaient fait les Allemands, DES ils l’attaquèrent au début dela guerre, croyant qu'en France ils ne trouveront pour la défendre que des gens à la Caillaux. Et ce sera sa perte que d’avoir méconnu son pays. Aussi serait-il juste cette fois-ci qu’il le paye. Il y a de mauvais exemples qui sont pires que des crimes ; et un plus grand nombre d'Etats ont péri parce qu’on a violé les mœurs que parce qu’on a violé les lois. À Rome ces abus étaient sévérement réprimés par les cen: seurs qui avaient le droit de chasser du Sénat qui ils voulaient et de faire déchoir du rang tout citoyen indigne en le privant de ses privilèges et de sa noblesse particulière.

M. René Pichon a très bien dit l’autre jour, lorsqu’en parlant de la Serbie et de M. Caillaux il accusa ce dernier d’avoir trahi en plus des intérêts français, l'esprit moderne de justice et de liberté et l'âme haute et pure de la France. En effet M. Caillaux tendait par ses propos et ses actes à changer l'esprit et le cœur des Français, à corrompre ce qu'il y avait de plus noble dans le caractère de ce peuple chevaleresque, le sentiment d'honneur et la fotion de la justice.

Pour M. Caillaux c'est la Serbie qui fut le bour-"

reau et c'est l'Autriche qui fut la victime, tout comme l'Allemagne, au dire de nos ennemis, faillit être écrasée par la Belgique qui la menaçait constamment. C’est donc l'Allemagne qui serait le martyre et la Belgique qui serait l’oppresseur! Aussi il faut dédommager les deux pays martyrs, l’Allemagne et l'Autriche, au détriment de la Serbie, et de la Roumanie. On ne voit pas bien pourquoi M. Caillaux se prends -il aussi à la Roumanie, mais il suffit, paraît-il, qu’un pays se range du côté de l’Enteute pour que M. Caillaux ait des griefs contre lui.

Reste à savoir ce que mérite M. Caillaux pour avoir embrassé en pleine guerre la cause des ennemis de son pays, et ce qu'il a mérité en servant sa patrie comme il l'avait servi. Les uns prétendent que M. Caillaux aura le sort de Casement; les autres, qu'il lui sera réservé le châtiment du traître Cavallini.

D'autres enfin sont d’avis qu'on se contentera de lui témoigner à l'avenir le mépris général. Quant à

nous, nous sommes d’avis que le dernier exploit de M. Caillaux sera fort goûté par nos voisins bulgares chez lesquels la trahison a toujours été bien portée. M. Caillaux y sera donc vénéré et aimé comme un bon allié à l’égal de l’ex-roi Constantin, |

de Gounaris, de Zaïmis et consorts. Il n’est pas impossible que dans le nouveau calendrier bulgare son nom figure parmi les saints de l’église bulgare. Le nouveau Saint-Joseph Caillaux sera sans doute proclamé « patron des Bulgares ».

En attendant cet événement heureux nous voudrions voir les exploits de M. Caillaux chantés par le « Pindare bulgare » Yvan Arkendoff, celui qui composa « le fameux chant guerrier » que nos lecteurs ont eu le plaisir de goûter dans un des récents numéros de « La Serbie ». Ce sera là notre seule vengeance à l’égard de M. Caïillaux parce que nous pourrons dire alors « qu'il n’a que ce qu'il a mérité, »

CaALLISTHÈNE.

Les Yougoslaves espèrent

À l'occasion de Noël, les journaux yougoslaves résument la situation de l'année qui finit et expriment des vœux pour l’anné£ A commence.

Slovenski Narod » (24 décembre) he.

« Avant tout, nous sommes conscients que la paix ne peut nous être favorable et avoir de valeur que dans le cas où sa condition essentielle — la réalisation du prin-

cipe du droit des peuples de disposer d’euxmêmes — venait à être accomplie. Nous voulons être maîtres de notre pays, de notre destinée. Nous voulons être indépendants et nous voulons librement régler ‘ notre vie. Les soins et l’amour de la Yougoslavie, notre mère, doivent nous protéger. Ce n’est que dans son sein que notre peuple trouvera tout ce qu'il lui faut; ce n’est que dans l'Etat yougoslave que le peuple développera toutes ses facultés, toutes ses vertus et deviendra un facteur précieux et respectable de la civilisation humaine. »

Le « Slovenec » du 24 décembre écrit:

« C'est la guerre. Nous n'avons pas de vrai Noël. Comme jamais jusqu'ici notre idée nationale est puissante. Elle est devenue l’idée directrice de toute notre activité | publique. La force que nous n’entrevoyions même pas avant la guerre, s’est emparée de chaque cœur, a marqué de son empreinte chacune de nos pensées et chacune de ños idées; elle a inondé comme un torrent impétueux toutes nos plaines, elle est arrivée au dernier village, ele a dépassé les frontières du pays et atteint tout le sud slave. C’est parce que nous sommes conscients de cela que nous ne craignons pas la lutte. Chaque jour, nous crions à nos députés : Ne cédez en rien ! Nous sommes avec vous jusqu'à notre dernier homme ! »

Le slavisme des Bulgares

Notre rédacteur en chef a envoyé au directeur de la revue anglaise « The New Europe » la lettre suivante :

Dear Sir,

The doubtlessly interesting article of M. Milan Curëin, on the Bulgarians and Slavdom, published in No. 48 of your estimable review, contains some important points which, although expressed in a general form, represent only the personal opinion of the author and, I may add, a false one.

1 do not speak of the certainly highly inspired author's desire for a « close union between the South Slavs and the Bulgarians » — a merely platonic wish devoid of all practical value both in itself and also as regards the person of M. Curëin, who is, I may state, no politician but a man of science.

As Lecturer of the German language and German literature at the University of Belgrade, he never took any part in political things nor contributed in any way to the forming or determining of public opinion in Serbia. From the responsible political circles in Serbia he was as distant as any simple citizen, and his present profession of faith in the Bulgarian problem is consequently a purely dogmatic one.

Ï also wish to place M. Éuréëin’s appreciation of Bulgarian qualities on its true level and to state that the « progressive people » as M. Curëin describes the Bulgars, — who possess all these positive qualities, some of which are lacking in the true South Slav races and which the latter should have learned from the Bulgarians, such as : perseverance,

an industry that does not disdain small things, discipline and, — as a result — the faculty of organisation, — enjoyed a very different reputation before the revelations of M. Curëin.

The assertions of M. Curëin are neither to be confirmed by History nor by the testimonies of great numbers of travellers who have studied the | psychology of the Bulgarian people. It is indeed a

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notorious fact that the Bulgarians remained under Turkish serfdom long aîfter the liberation of the other Balkan peoples, just because they totally lacked the qualities attributed to them in M. Curëin's article. Apathetic. obedient, respectful of brutal force, — they did not move to free themselves from the ignominious Turkish domination,

When in 1877-1878, Russia at the price of great human sacrifices liberated the Bulgarian provinces, the Bulgars showed no excessive enthusiasm and even now they do not realize the magnitude of the

Russian sacrifice. Russian Officers and Officials laid down the first

foundations of the political and economic organisation of the new State, and if Bulgaria has been able to make some cultural progress, it is mostly due to the work of the Russians. Modern Bulgarian legislation is another proof of the lack of any specific Bulgarian idea for the organisation of the StateWhat the Bulgars excel in, is docility to all German suggestions and models, and the mastery of dissi-

mulation of their real ardctenietes, It would take very long to recount the testimo-

nies of all those who have had the opportunity of penetrating into the mystery of Bulgarian psychology and I am content to quote only two names of great authority. M. Curèin probablÿ knows the very instructive book by Panoff: « The Psychology of the Bulgarian People » (Sofia, 1915, in Bulgarian), a magistral work on the applied national psychology. In this book, written by a Bulgarian ofrepute, no mention is made of the high qualities quoted by M. Curëin. The other competent testimony is that given by the Bulgarian poet, Konstantinoff, in his famous book « Baja Ganje », adduced by M. Curëin as the only true Bulgarian litterary work of great value which vividly portrays the Bulgarian with his Tartar characteristics. But M. Curëin will vainly have to seek in « Baja Ganje » for confirmation of his statements on Bulgarian qualities.

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M. Éurèin has made another political statement which is likely to be misinterpreted : « During the Balkan wars, before the unexpected attack on the Serbian Army by the Bulgarians in June 1913, had to endure angry discussions and to live through bitter hours in Skoplje, then the Serbian Haedqüarters, because of this heretical opinion. Still worse was it at the beginning of this war, in Kragujevatz, when I urged, contrary to the opinions of my best friends, that it was necessary to meet the demands of the Bulgarians to the utmost limit, if only it would prevent them from taking armed action on the side of the Central Powers. » This statement may seem an accusation against the attitude of the Serbian Headquarter, and it must be explained not only in the interest of M. Curëin but especially for the sake of truth. In doing so, we will pay homage to the loyalty and readiness of Serbia in 1913 to accept the arbitration of the Tzar and to her willingness in 1915 to make some important territorial concession to Bulgaria in Macedonia, only in order to secure the intervention of this country against Turkey.

IE M. Éuréir now speaks of his « angry discussions » and « bitter hours », they have nothing to do with the Serbian politic. M. Curëin abuses the ignorance of the English public as regards his personal position, by representing things as if he had been a participator at the Serbian Headquarter in the decisive hours of June 1913 and August-September 1915. The fact is, that he was in Skoplje attached to the Provisioning Department, and in 1915. he served as interpreter and guide to the English and American missions where he rendered valuable services ; but his duties excluded any contact with the responsible factors at Headquarters.

It must also be remembered that the Serbian politic was determined by Belgrade in 1913 and by Nish in 1915, where the Government and the Parliament in plain agreement had declared themselves in favour of an « entente » with Bulgaria. In both cases, after these votes, the Bulgarians attacked Serbia treacherously and behaved like true Huns.

M. Curëin personally may hope for a « close union » with Bulgaria, but it is left to be seen whether there would be any more Serbians who would agree with him in this herostratic attitude.

Your most obedient servant,

Dr. L. MarcoviTcH

Professor of Law at the University of Belgrade, and Editor of « La Serbie ».

Un démenti de M. Katslérovitch

«Les « Beogradske Novine » du 19 décembre ont publié la nouvelle d’après laqueile j'aurais envoyé au gouvernement serbe et au nom du parti social-démocrate serbe, une proclamation avec la demande d’entamer sans tarder des négociations en vue d’une conclusion de paix immédiate.

« Si cette nouvelle n’avait pas une tendance toute particulière par rapport à la source dont elle émane, je n’y aurais pas même répondu. Je déclare que personnellement je n’ai envoyé aucune proclamation au gouvernement serbe. Quant au parti social-démocrate serbe, il a déjà exposé son point de vue dans son memorandum publié

à Stockholm. » Trisa KacLerovié.

tenu promesse. En 1911-1912 « La dame au tournesol », en 1913 la « Résurrection de Lazar » et en 1914 « Imperatrix ».

— Et puis ? — Et puis quelques jours après que j'avais remis à la direction

mon « Imperatrix », la guerre a éclaté — et j'ai passé dix mois en prison (et cela sans lottbre d'une accusation contre moi, et sans que l’on m'ait dénoncé !) Interné pendant 17 mois, j'en ai passé 5 sur mon lit de malade, et maintenant, me voilà ! J'attends et je supplie Dieu de me conduire là où se trouve tout ce qui me reste encore: ma mère!

J'allais lui demander encore des nouvelles d’un ami.

— Taisez-Vous, je vous en prie, m'interrompt le poète. Dieu n’a-t-il pas dit : les oiseaux du ciel‘ne sèment ni ne récoltent; et pourtant l'aide divine ne leur manque pas. Où tous souffrent, pourquoi ne souffrirais-je pas aussi ?

Sur ces paroles notre conversation prit fin; mais j'aurais pu écouter jusqu'à la nuit ces paroles de douleur et de consolation, de foi et

# d'espoir. w *

Josif Konstantin Jirecek. — À Vienne vient de mourir, après une longue maladie, le professeur Jireéek, le célèbre historien et professeur à l'Université de Vienne. D' origine tchèque, feu Jireéek s'est occupé plus particulièrement de l'histoire des peuples yougoslaves. Déjà à l’âge de 22 ans, en 1876, il avait publié un ouvrage remarquable, « L'histoire des Bulgares », qui est resté jusqu'à nos jours l’œuvre cience historique bulgare. M. Jireëek a publié, il ya quatre ans, en allemand et en serbe, son « Histoire des Serbes », dont une traduction française est en cours de préparation. Il faut rappeler aussi l'étude remarquable « Staat und Gesellschaft im mittelalterlichen Serbien », publiée par l’Académie de Vienne, un document précieux sur la Givifisation serbe au Moyen âge.

Lorsque la guerre aura cessé, on aura à parler plus ampl

Rue scientifique de ce grand savant slave. ee

capitale de la s

ement de *k

Le Bulletin Monténégrin. — Le numéro 4 du « Bulletin Monténégrin » vient de paraître à Genève avec le sommaire suivant : 1. Le roi Nicolas et le Monténégro. — 2. Aperçu sur l’histoire contemporaine du Monténégro. — 3. Les communiqués des gouvernements monténégrins. — 4, Le gaspillage des fonds monténégrins. — 5. À propos d’une résolution. — 6. L'Italie et la question yougoslave. — 7. La misère au Monténégro. — 8. Revue de la Presse. — 9. Notes. — 10. Bibliographie. Nous nd à cette occasion que le « Bulletin Monténégrin » est imprimé comme manuscrit et dirigé par le Comité monténégrin pour l'Union nationale, sous la présidence de M. Andrya Radovitch, ancien ministre-président. Il est envoyé à tous ceux qui s'intéressent à la ques-

tion serbe. ES

AnceLo VIVANTE : L'irrédentisme adriatique. Traduction française, par Tergestinus. — Genève, Imprimerie commerciale, p. 266, 8, prix : 3.50.

Le livre admirable du jeune Vivante, mort si prématurément, rentre dans la catégorie des meilleurs publications italiennes sur l'irrédentisme adriatique. Publié deux ans avant la guerre européenne, à Florence, par l'association la « Libreria della Voce », il nous fournit les résultats d'une enquête minutieuse à laquelle son auteur s’était dévoué avec l’ardeur d’un esprit large et libéral. Ceux qui s'intéressent au

règlement nouveau de l'Europe du Sud-Est trouveront dans le livre de

Vivante des indications sûres et probantes. au +

L'administration française dans les pays yougoslaves, par Bogumil Voënjak. (Extrait de la « Revue des sciences politiques », tome XXXVIII, 15 août 1917).

« L’aigle français a plané pour quelque temps sur l'Illyrie yougoslave, mais les fils des Yougoslaves, établis dans l’ancienne Illyrie, gardent vivant dans leur cœur le souvenir du pays de France, cette patrie des sentiments les plus généreux et les plus humanitaires. » C'est

par cette constatation que le savant professeur slovène a commencé son étude intéressante sur une belle page de l’histoire de son peuple. Une ère nouvelle avait soufflé par toutes les campagnes slovènes, une ère de liberté, d'égalité, de progrès et de vraie civilisation. Chose curieuse, Napoléon était venu en conquérant et de fait il avait délivré les provinces yougoslaves d’une oppression physique et mentale.

L'étude de M. Voëujak est une contribution sérieuse à la question yougoslave. Elle révèle aux diplomates ignorants la réalité de l'unité nationale serbo-croato-slovène, qui saura s'imposer au monde un jour ou l’autre, malgré tout et en dépit de tout. L;

Les Yougoslaves et les revers italiens

La « Jugoslovenska Domovina » (La Patria Yugoslava) de Punta Arenas (Chili), organe de la Défense Nationale Yougoslave, section Dalmatie, commentant l’offensive austro-allemande contre l'Italie, écrit dans son numéro du 3 novembre entre autres choses ce qui suit:

« Nous regrettons cette défaite italienne, qui ne fait que prolonger la guerre et ajourner pour quelque temps les victoires des alliés. Nous espérons que l’armée italienne sera réorganisée rapidement et brisera avec les Alliés la force ennemie des Allemands qui, depuis tant de siècles, oppriment tous les peuples slaves.

« Entre nous et les Italiens, il y a eu de graves différends, mais les relations s’améliorent... L'esprit de liberté qui depuis la Russie jusqu'aux Etats- Unis domine dans le monde, présidera à la solution de nos différends avec l'Italie.

« Nous sommes sûrs que lorsque les drapeaux victorieux des Italiens seront de nouveau déployés, nous pourrons les saluer comme les emblêmes de la liberté tandis que les drapeaux austro- allemands sont pour notre peuple des signes de mort. Voilà pourquoi la défaite italienne est qone aussi notre défaite. » if