La Serbie

jme Année. — Ne 44

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Genève, Lundi 25 Novembre 1918

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Paraissant tous les Lundis

gelques remarques d'ordre intérieur! « Ærsat

La victoire alliée, cette première condition - pour l'union et l'indépendance du peuple serbe, croate et slovène, nous permet de penser aussi à la construction politique de notre Etat unifié.

Avec la dissolution de l’ancienne monarchie des Habsbourg, toutes les difficultés n'ont pas cependant disparu, et nous ne pouvons pas encore nous consacrer à l'œuvre d'organisation intérieure avec cette sérénité d'esprit qui doit présider aux travaux de ce genre. Notre question nationale se trouve actuellement dans une phase transitoire, et le premier devoir de tout bon patriote serbe, croate et slovène est de s'imposer une sorte de discipline nationale et de ne pas entraver, par des propos inutiles, l'action unificative menée par le gouvernement de la Serbie et le Conseil National de Zagreb. Cette restriction s'applique également et plus particulièrement à la presse, dont la tâche consiste à éclaircir les choses et non à les embrouiller. Si nous parlons aujourd'hui des questions intérieures, nous le faisons uniquement dans le désir de rectifier certaines informations erronées qui circulent depuis quelque temps et qui sont évidemment alimentées par des milieux hostiles à notre union nationale. La tendance manifeste de tous ces bruits est de représenter le peuple serbe, croate et slovène comme divisé et tiraillé par des divergences intérieures profondes, et d'affaiblir ainsi les sympathies de nos grands amis et alliés pour notre cause nationale.

Deux principes universellement admis par le Royaume de Serbie, par les représentants émigrés du peuple serbe, croate et slovène, ainsi que par le Conseil National des Serbes, Croates et Slovènes à Zagreb, dominent tout notre problème intérieur. D'abord, c'est l'affirmation solidaire et toute spontanée de la volonté unanime de la nation entière de former un Etat unitaire qui corresponde aux sentiments de l'unité nationale. La conception psychologique de l'unité nationale sudslave conduit logiquement à la constitution d'un Etat unitaire, compact, et animé d'une seule volonté. Cette conception de l'Etat unitaire n'exclut nullement une organisation administrative basée sur la plus large autonomie, l'Etat

. comme unité ayant tout intérêt à déléguer une partie de ses fonctions aux corps autonomes (arrondissements, départements, provinces). Le second principe exprime l'égalité absolue de toutes les branches de notre peuple, égalité politique, économique, religieuse, qui seule peut garantir, par la concurrence libre des forces inhérentes à toutes les parties du peuple, le développement prospère de la nation entière. La Serbie, en s’unissant avec d’autres parties de la nation, n'a exigé pour elle, dans la déclaration de Corfou, aucune position particulière. L'œuvre de l'union nationale, la Serbie entend la terminer comme elle l'a commencée ; dans un esprit d'égalité absolue.

Le fait seul que la Serbie ne songe nullement à se réserver une situation particulière et travaille plutôt à une fusion politique aussi rapide que possible, démontre d'une façon péremptoire quelles sont les dispositions et les intentions du Piémont sudslave. Si l'on nourtissait chez nous des velléités de domination, on ne demanderait pas une organisation unitaire et absolument égalitaire, mais on suivrait l'exemple de la Prusse qui, tout en accomplissant l'union allemande s'est réservée, dans l'Etat fédératif allemand, une situation prédominante et privilégiée.

Ces choses là sonttellement notoires, qu'elles en deviennent presque banales; et pourtant, on entend des voix, dans la plupart des cas anonymes et partant suspectes, s'élevant contre un prétendu impérialisme serbe et réclamant comme remède la fédération et la républiquel

confusion produite par de telles suggestions

est utilisée par les adversaires serbes, croates et slovènes pour démontrer le défaut de cohésion nécessaire entre les différentes parties de notre peuple. L'autre jour, un collaborateur de la « Neue Zürcher Zeitung », faussement renseigné par quelque (bon ami» de l'union sudslave, écrivait dans ce journal (en date du 19 novembre), qu'une divergence de vues existait entre la Serbie et les autres parties de notre peuple; au sujet de l'organisation future de notre Etat. Selon lui, les Serbes, Croates et Slovènes, voudraient donner au nouvel Etat le caractère républicain et démocratique et le construire sur la base fédérative, tandis que le gouvernement grand-serbe (l) serait plutôt favorable à une réunion de tous les pays serbes, croates et slovènes à l’Empire (l) serbe. En peu de mots, un tas de contre-vérités. Le Conseil National de Zagreb s’est prononcé résolument pour un Etat unitaire, et cette manifestation devrait suffire à tout homme honnête. Si quelqu'un personnellementest partisan de la fédération, personne ne l'empêche de le dire et de le propager, mais qu'il s’abstienne de passer ses vues personnelles pour les désirs du peuple. La Serbie a prouvé, par la Déclaration de Corfou, qu'elle préconisait une union inter pares, et c'est une malveillance de la soupçonner et de parler de l'impérialisme d’un pétit Etat qui a perdu un quart de sa population dans la lutte contre les opppresseurs du peuple serbe, croate et slovène.

D'autre part, la « New Europe», par une nouvelle attaque contre M. Pachitch (Voir le numéro du 14 novembre de cette revue) et par la tentative d'opposer le gouvernement « réactionnaire» de Serbie au Comité Yougoslave « démocratique », imite absolument la presse autrichienne, qui s'est usée en s'appliquant à diviser ce qui devait à la fin des fins rester uni. Ce qui: doit nous surprendre, c'est que la « New Europe » essaye de raviver les divergences déjà anciennes entre le gouvernement de Serbie et le Comité Yougoslave, à un moment où ces divergences ne possèdent plus aucune importance, le. Conseil National de Zagreb ayant pris en mains le. pouvoir auquel aspiraient les membres du. Comité Yougoslave et le gouvernement de Serbie ayant expressément reconnu ce Conseil de Zagreb. La « New Europe » nous excusera de ne pas la suivre dans cette voie qui ne peut que nuire à la cause serbe, croate et slovène.

En ce qui concerne la forme d'Etat, qui préoccupe également quelques «amis» sudslaves, cette question n’a rien à faire avec le démocratisme. Ceux qui connaissent, même superficiellement, l'histoire du peuple serbe, savent très bien que la Serbie a élu librement la dynastie Karageorgévitch et que cette dynastie puise son autorité dans la confiance du peuple. Le régime démocratique et parlementaire serbe a fait de la Serbie une véritable république monarchique qui a été heureuse d'avoir à sa tête un Pierre Karageorgévitch, roi essentiellemei démocratique et national, et un jeune PrinceHéritier qui s’est consacré tout entier à l'œuvre de l'union nationale et qui n'a jamais songé à se séparer de son peuple.

La Déclaration de Corfou, signée par le prédent du Comité Yougoslave, a rendu un hommage mérité à la dynastie des Karageorgévitch, en proclamant l'unité du peuple serbe, croate et slovène, sous le sceptre de Pierre Karageorgévitch, roi des Serbes, Croates et Slovènes. La question de la forme d'Etat est aussi rés0lue, pour tous ceux qui désirent l'union et la concorde dans notre peuple.

Cette situation tellement simple ne convient pas à ceux qui veulent troubler notre union, s'efforçant de créer des différences artificielles et de semer de la méfiance. La nation consciente des Serbes, Croates et Solvènes ne s'y

laissera pas prendre. L. M.

1, professeur à l'Université de Belgrade

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Il ne s'agit pas, comme d’aucuns pourfuient le croire, de la république alleirande, créée -ad ‘hoc Par les impérialistes. Shier poux lompér l'opinion publique des Alliés et l’apitoyer sur le sori de l’Alleiïagne. À l'instar de leurs alliés d'hier, les Magyars, eux aussi, proclamèrent leur petite « Republik ». Les plus! jeunes démocrates de l'univers croient qu'il suffit de s'affubler d'un déguisement républicain pour faire oublier leur passé impérialiste ét leurs crimés contrè Îles nalionalilés, cominis. jusqu'à ces derniers -jours. Parce qu’il a échangé son costumé dé magnal contre un costume « tailleur », le comte Karolyi Sinagine devenir du coup lun ciloyen accompli et un démocrate. Or, l’habit me fait pas le moine, On ne fait pas du jour au lendemain d'anciens hobereaux et ei-

gneurs .des citoyens et des ‘démocrates. ‘Ayant vécu mille ans. d'une vie féxdale,

a, Hongrie aura besoin d’un siècle au noins pour, se transformer, en, Élal, libre et, démocratique. On. peut ‘fabriquer. des républiques... pas des, républicains.

+ Mais le comteKarolyi qui, durant toute cette guerre, joua la comédie; se demandait naguère ‘encore «en quoi, travesti en démocrate, il serait moins ridicule que

le prince Max de Bade lorsqu'il se mit à

la tête du mouvement démocratique en Allemagne? Karolyi alla même plus Join et se fit républicain. Payant toujours d’audace, il entreprit de faire un pèlerinage à Belgrade, I y chercha le commandant des armées alliées pour conclure l’armislice qui devait apporter à la Hongrie la liberté, le pain et le charbon. Pour l'ob{euir, il n'hésita pas à renier tout le passé de la Hongrie, jurant sa foï de républi cain au général françäis. Mais-sentant bien que sa parole ne suffisait pas, il se fit accompagner par un représentant du cnnseil des ouvriers et soldats, dont la parole devait garantir celle du premier ministre de la Hongrie nouvelle,

Pour amadouér le général français, il offrit à celui-ci de le porter en triomphe lors de son arrivée à Budaipest, où il l'invita à venir avec son état-major pour danser sur les rives du Danube bleu (quelques «csardas » avec les enfants irrésislibles de la Pusta. Le général français ne se laissa pas prendre. Aussi les délégués magyars, lors de leur retour dans la «capitale, 5e plaignirent amèrement d’avoir été. traités assez durement à Belgrade. « Un signe de ma part et tous les Hongrois seront anéantis. voilà ce que nous disait le général

JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE

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français », racontent les délégués dans le « Pester: Lloyd ». k

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lation de la capitale serbe nous en imposait, écrit Oscar Jassi, dans le même journal Elle contrastait singulièrement avec celle du général français, qui aecompagnait chacune de ses paroles par les cliquetis de son sabre. » L

. Nous estimons que les Magyars sont injustes à l'égard du général. Car si celuici pécha par quelque côté, ce serait plutôt en se montrant trop généreux vis-à-vis des Magyars. Il leur promil entre autres qu’on ne loucherait point aux musées magyars, les délégués lui ayant déclaré que ces musées ne contenaient aucun des abjets volés en Serbie. Or, pour qu'on {puisse prêter foi à ces paroles, il aurait fallu que les délégués déclarent en même temps cù se trouvaient les objets volés et pilés par ordre de Mackensen.

Mais ce n'est là qu'une concession .de müindre importance. Une autre bien plus grande fut celle d'accorder aux Magyars le droit de conserver dans les territoires évacués par leur armée l’adminstralion magyare. Celle concession est une faute grave, car elle poussera les Magyars fà persévérer dans leur illusion qu'ils phurraïent encore, au Congrès de la Paix, amener les discussions sun de prétendus ‘droits historiques et millénaires en se prévalant de la formule beati possidentes.

La Hongrie, qui a réussi à s'emparer, au travers des siècles, des territoires des au{res nations (Pologne, Bohême, Roumanie, Serbie) s’enorgucillissait de sa prospérité due aux efforts. des autres. Elle rappelait ainsi l’oiseau de la fable qui se. parait des plumes des autres oiseaux plus beaux que lui. Or voici que chaque peuple vient de réclamer ce qui lui ‘appartient, laissant les Magyars tels qu'ils étaient lrsqu'ils venaient couvrir de leurs tentes de sauvages les plaines de la Pannonie. La source de leur vie menace de se tarir, du fait que la Hongrie se nourrissait jusqu'ici en absorbant les forces vives des autres nations. Les conquérants magyars exploitèrent jusqu'à ces derniers jours leur situation privilégiée d'anciens conquérants, faisant durer ainsi au centre de l'Eurape un état de choses politiques et (sociales qui fyt un défi à l'humanité civilisée.

M. D. M.

L'entrevue Karolyi-Franchet d'Espérey

Le comte Karolyi a Ju devant le général Franchet d'Espérey, un mémoire dans lequel le nouveau gouvernement hongrois décline toute responsabilité pour fa guerre mondiale. Cette guerre serait l’œuvre de l'ancienne monarchie austro- hongroise, féodale et autocratique, qui a incendié l'Europe d'accord avec le militarisme prussien. La Hongrie de Louis Kossuth avait la bouche baillonnée et ne pouvait rien faire Contre les classes féodales, ces amies rotoires de l'impérialisme germanique. « Cet élat de choses, dit le mémoire, a tout à fait changé. Aujourd’hui, on est en présence des délégués du peuple hongrois. Nous désirons un liquidation rapide de la situation actuelle, mais une liquidation qui répondrait aux désirs justes et équitables du peuple hongrois, Noes déciarons solennellement que nous ne voulons assumer aucune responsabilité, ni juridique, ni morale, pour les actes d'ordre intérieur ou extérieur de l’ancien régime. Dans la politique extérieure nous sommes des pacifistes. De l’ancienne alliance impérialiste avec l’Allemagne nous ne voulons rien savoir. Nous sommes des partisans résolus d’une Société des Nations.

En ce qui concerne les questions tchèque et sudslave, nous acceptons comme solution définitive la fondation d’un Etat tchèque et

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d’un Etat sudslave indépendants. Il n’y à entre nous de différences qu'en ce qui concerne les frontières de ces Etats, mais nous sommes disposés à laisser à la conférence générale de la paix le soin de trancher celte question ».

Le comte Karolyi demandait encore dans ce mémoire que les troupes serbes, tchèques ou roumaines ne fussent pas envoyées en Hongrie, mais uniquement des troupes françaises, italiennes, anglaises ou américaines, exception faite destroupes coloniales.

Le général Franchet d'Espérey, avant de répondre à cette déclaration dont la lecture a duré assez longtemps, demanda aux délégués hongrois si tous ces messieurs comprenaient le français, ainsi que le délégué socialiste, et exprima le désir que ces paroles soient fidèlement tr duites. Le délégué hongrois Hatvany se chargea de la traduction. Alors se passa la scène historique qui marque la fin de l’arrogance magyare.

Le général Franchet d'Espérey se tenait debout devant la cheminée, fixant du regard les délégués hongrois. En face de lui se tenaient, la tête légèrement baissée, le comte Karolyi, Jaszi, Hatvany, Bokanyi et le capitaine Cserniak, et derrière eux le capitaine Stielly, le conseiller de la cour

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