La Serbie
RÉDACTION et ADMINISTRATION #8, rue du XXXI Décembre - Csnève Téléphone 144
L'heure de l'épreuve
Paris, le 22 avril 1919.
Par une coïncidence -imprévue, le peuple |
serbo-croate-slovène en est aujourdhui à attendre de l'Amérique la réalisation de son
- union intégrale. La Russie, qui, en 1914. tira
la première l'évée pour protéger la Serbie et
qui sous la pression d'événements militaires fâcheux et dans l'ignorance où elle était de la situation réelle sur le littoral adriatique souscrivit, en 1915, au marchandage connu sous le nom de traité de Londres, n'existe plus comme _ grande puissance capable de faire valoir sa voix au chapitre. Le peuple serbe considère non sans raison la grande Russie comme sa protectrice naturelle. Malgré les sacrifices
M énormes faits par le peuple serbe pour la
- cause commune, malgré le fait notoire que la Serbie fut le seul véritabla rempart contre la poussée germanique en Orient, notre situation à la Conférence est plus que précaire. Nous sommes seuls et petits, et d'après les règles de la diplomatie professionnelle, il faut donner à celui qui est le plus fort. Nous sommes sans la Russie et nous ne comptons par conséquent pas pour grand chose.
Le peuple français, il est vrai, a beaucoup de sympathie pour nous: mais le gouvernement français se considère comme lié par le traité de Londres. On peut s'étonner cepen-
dant de ce que la France appuie aussi la
demande italienne de Fiume, demande qui va au-delà du traité de Londres. Le journal « Le
Temps »-du-23-avril estime que-nous: Sudsta-.
| ves, n'avons pas à nous montrer surpris de la‘
sollicitude que la France éprouve pour la
> tranquillité de la grande nation latine à
» laquelle la rattache tant de liens. Mais nous
ne nous en étonnons pas moins de cette solli-
citude, parce que nous la trouvons objectivement déplacée, la tranquillité de l'Italie étant tout à fait assurée par une délimitation suivant
__ la ligne de nationalité nettement marquée,
er pour nous servir de la formule wilsonienne.
Si l'italie persiste dans sa politique actuelle _ qui est approuvée par le journal « Le Temps »
_ et d’autres organes français, elle n'aura pas du tout de tranquillité. Le peuple serbo-croateslovène n'est pas de ceux qui courbent l'échine devant l’envahisseur. On doit le savoir aussi
-_ bien à Rome qu’à Paris. À notre avis, pour
di coninibuer à l'établissement d'une situation
. stable et tranquille dans l'Adriatique, la presse
. française aurait dû chercher plutôt à rappro-
_ cher l'Italie et le royaume sudslave, au lieu de
- prendre simplement parti pour l'Italie. Assuré-
… ment, il ést plus facile d'agir ainsi, cela com-
plique la situation en Orient, au lieu de
l'éclaircir et de la simplifier. |
BTE Grande-Bretagne joue, elle, le rôle de
ue médiateur ; mais elle n'avance pas non plus,
parce qu lle est également tenue par le traité de Londres, || ne reste donc que l'Amérique
» por prouver, libre de.tout 1t engagement secret.
juger objetivement et impartialement les reven-
a dications italiennes et sudslaves. Le président’
Wilson sent que le problème adriatique est la … Pierre de-touche de la valeur deses principes.
nn Si l'Amérique a pu accepter toutefois quelques
solutions particulières à l’ égard de l'Allemagne,
4 à cause de la menace toujours vivante du
_ Sermanisme, on ne pourra pas invoquer ce
É précèdent dans le problème adriatique. Aquies-
cer à la demande italienne, de garanties stra-
tégiques par rapport à un pays allié, équivaudrait en effet à fouler aux pieds tous les prin-
Cipes wilsoniens et à creuser un tombeau à
_ l'idée même de la Ligue des Nations. Qu'on
le veuille ou non, le problème de notre déli-
_ Mitation avec l'Italie est devenu un des pro-
lèmes principaux de la paix. Si l'Amérique
| dans notre question, c'en est fait de | lidéalisme wilsonien. Nous revenons à l'ancien
Système du dépouillement qui produit d'inévi-
_ tables réactions, en sorte que la paix ne con-
_ fervera qu'un caractère provisoire.
"+
| | | | | |
Ë Ë :
Le président Wilson est à l'épreuvé. die:
mettons notre espoir en: ft, parce. qu'il nes
s'agit pas seulement de notre avenir: mas de
la paix générale. La responsabilité de l'Amé- :
rique, de la France et de la Grande-Bretagne est énorme, parce que ces trois puissances ont pris l'engagement solennel devant le monde entier de reconstruire l'Europe sur la base de la liberté de tous les peuples. Ces engagements valent plus que des conventions secrètes de diplomates professionnels. Notre peuple est soumis également à une dure épreuve. Il sent que son idéalisme a poussé trop loin et qu'il n'aurait pas dû avoir cette foi illimitée dans les proclamations alliées. Le peuple serbe est embarrassé par le spectacle troublant de mar chandages qui se préparent sans lui et contre lui. Mais, heure tragiqne, il ne menace persônne: il ne bondira pas de colère pour accomplir des
actes irréfléchis. Si on le force à accepter üne
paix imposée, il l'acceptera, mais en conservera un souvenir qui lui donnera une nouvelle force et une nouvelle énergie nationales, On ne s'attaque pas impunément à l'intégrité d'une nation telle que la nôtre. L'Italie aura l'occasion de s'en apercevoir. Les expériences-de l'Autriche-Hongrie sont un enseignement éloquent que ces messieurs de Rome devraient
méditer, NT
ne Campagne ABRIS
Une mystérieuse agence de propagandè italienne, dite «K. N,», ne cesse pas de servir aux lecteurs de «La Suisse» les plus fantastiques nnlensonges à l'égard de notre Royaume, Jouriellemient, elle {rain(smel à la rédact'on de « La Suisse » de petits télégrammes tendancieux datant de Belgrade, de Zagreb, de Laïbach, etc, Imais qui ne furent jamhis, en réalité, consignés dans ces villes, imjais bien dans les têtes échauffées des propagandistes italiens,
our démontrer combien eël peu solide
à déloyale cette propagande italienne, nous nous bornerons à la citation d’un seul Cas, le Ts récent:
Dans le but de représenter Ia situation imiême au sein de notre Assemblée nationale, comme (troublée, l'agence «K. NN,» fait paraître dans « La Suisse» du 22 avril, un télégramime (sous le titre «Bosnie et Serbie», annonçant «la constitution d’une commission parlementaire chargée Ce rédiger la réponse au discours du trône». & Maïs il semble, nous conte l'agence « K. N.», que l'opposition rédigera une réponse séparée »
- Tout en étant ündi gnés. des calomaies ilaliennes, nous ne pouvons nous empêcher de rire celte fois-ci: car la réponse a
d'scours du trône que Pagence «K, N:» es dit être en préparation, à été votée _Bslgr ade,_ il y-ar-jusle «Un ANOÏS et: nous Se publiée ir extenso dans « La Serbe» du 10 avril! Ce qui est déplorable, ce n est pas le fait que la propagande italienne nous Sert de pareils mensonges — dernièrement ne nous annonçait-elle même pas une formidable offensive imaginaire Sur le front autrichien! -— imais bien qu'un journal sus portant le nom même du pays et se devrait par conséquent être en quelque sorte le symbole de la vérilé et dela justice, hospitalise, sans aucun contrôle, les informations mensongères de la propagande ita lenne, dont le but est de dém g'er un pays qui na que Fe Re à ef les plus our la Suisse ne ñ ja propagande italiennie elleelle ne changera en vüm la situaelle de notre pays qui est bien supéFtalie, tant au poink politique; e:le aura simr t de nous fare conmaître® ains désirs italiens.
M. T.
fmême, tion ré rieure à celle de de vue social que plemient pour eïfe ce que sont les v
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même à cette |
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SOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE Paraissant tous les Lundis Rédacteur en chef; Dr Lazare MaRCOUITEN, Aesour à HORERE de en
posé du présent roll
be M. Stoyan Protilch, président du Conseil du Royaume des Serbes, Croates eb Slotènes, a fait
Suivant sur noir e politique extérieure :
Messieurs les députés,
- Au moment où la discussion va s'ouvrir sur ‘l'élaboration de. l'adresse par laquelle les représentants de la nation répondront au disb cours du trône, vous avez le droit de deman-
der au chef du gouvernement un exposé sur : la situation internationale de notre royaume
bu : : | des Serbes, Croates et Slovènes qui représente-
Let veut représenter l'unité nationale et étatique : de tout notre peuple aux trois noms. Je prends donc la liberté de répondre à cette demande : légitime, quoique non exprimée, en esquissant L dans les grandes lignes la situation internatio‘nale de notre jeune royaume.
Aussitôt que notre unité nationale a été k accomplie et proclamée par les actes d'Etat que vous connaissez, le gouvernement royal a {notifié à tous les Etats alliés et neutres la for| mation du royaume des Serbes, Croates et Slovènes, ainsi que la formation du premier ‘cabinet de notre nouvel Etat. Jusqu'à présent, des réponses à notre notification nous sont parvenues du royaume de Norvège, à la fin - janvier, de la république des Etats: Unis d'Amérique, au commencement de février, du royaume de Grèce peu de jours après, de la sl république de Suisse, au commencement de
là reconnaissance du royaume des Serbes, Croates et Slovènes, en tant que nouvelle individualité internationale, sous réserve, bien entendu, des nouvelles frontières. En outre. notre royaume a été reconnu par les deux nouveaux Etats slaves, la république tchécoslovaque et la république polonaise. Malheureusemnent, nous n'avons pu, jusquà présent, enregistrer la reconnaissance de notre Etat par nos ‘alliés, la France, l'Angleterre et l'Italie, quoi qu'il fût naturel que la reconnaissance nous vint de ce côté tout d'abord, ce qui serait certainement arrivée, si le traité de Londres du mois d'avril 1915 n'avait pas existé. Ce traité secret, dont nous connaissons maintenant le texte authentique, nie, par sa composition même, ainsi que par ses clauses formelles, notre unité nationale et étatique au profit d’un des Alliés. Nous sommes profondément convaincus que c'est la raison non seulement principale, mais unique, pour laquelle la France, l'Angleterre et l'Italie n'ont pas reconnu, jusqu'à présent, notre royaume ‘des Serbes, Croates et Slovènes, car l'on pouvait alléguer contre la reconnaissance que la paix n'était pas encore signée et que les nouveaux territoires du royaume des Serbes, Croates et Slovènes n'étaient pas encore délimités. En ce cas, la même raison serait aussi valable pour les républiques tchéco-slovaque et polonaise, d'au*ant plus que leur participation à la guerre ne peut être comparée à celle, qu'y ont prise hotre peuple et le royaume de Serbie qui représente en ce moment notre nation tout entière. Et pour cette raison aussi, les EtatsUnis d'Amérique se seraient abstenus de reconnaître notre royaume.
De même, il est fort probable que l'attitude du royaume de Roumanie, quin'a pas encore répondu à notre notification, signifie qu'un autre traité secret a été conclu au mois d'août 1916 entre la Roumanie et nos alliés; et par ce traité aussi, on empiète sur notre territoire. Nous devons regretter qu'on se place à deux points de vue différents pour juger un même fait, surtout quand il s’agit d'un allié qui fut toujours fidèle, nous pouvons le dire franchement, qui a bien mérité, car il n'a épargné ni ses hommes, ni ses efforts pour arriver au but commun, à la victoire; sans compter ceux qui sont dans des camps d'internement, la Serbie a sacrifié en tués et morts des suites de leurs blessures ou
éPNationale à Belgrade, l'exposé. |
uisse..... + l8fr. — par an
M . ABUNRE ar Rs pays. Ofr— ss
de maladie, plus de 280.000 soldats. [1 nous est encore plus douloureux de voir qu'on veut “corsidérer comMmetérritoire ennentiiss parties de notre territoire national qui ont eu le mauvais sort d'appartenir à l'Autriche-Hongrie et qui font actuellement partie intégrante du royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Avec le respect dû à nos amis et alliés, nous devons protester ici, en exprimant nos profonds regrets, au nom de tous ceux des Serbes, Croates et Slovènes de l'ancienne monarchie austro-hongroise qui ont combattu sur les fronts de Salonique et de Dobroudja, avec tant d'héroïsme et d'abnégation; au nom de tous ceux, des bataillons yougoslaves, qui se sont rendus sur le front italien, afin d'aider à l'avance des armées alliées qui y combattaient ; au nom de ces prisonniers volontaires yougoslaves qui ont aidé la cause des Alliés par leur dévouement, par la connaissance qu'ils avaient des mouvements de l’ennerni, de sa force et de son moral. I! ne faut pas oublier le fait significatif que ce nest qu'après le coup gigantesque asséné à l'ennemi sur le front de Salonique, après notre offensive du 15 septembre de l'année passée, que l'offensive franco-angloitalienne a commencé sur la Piave, au mois d'octobre. De même, on ne doit pas oublier que c'est précisément à ce moment-là que Zagreb a rompu les liens qui l'attachaient à ia Hongrie et est ainsi accourue, sur terre et sur | mer, à l'aide des Alliés qui avançaient à l'ouest.
Ce bréves paroles vous suffiront, je crois, Messieurs les députés, pour vous permettre de vous rendre compte de la situation difficile et délicate dans laquelle notre nouveau royaume se trouve devant le Congrès de la paix. Après notre victoire sur l'ennemi, noûs sommes maintenant obligés de prouver à nos amis et alliés la légitimité de nos demandes, de faire appel à leurs principes et aux déclarations solennel. lement prociamés, de demander leur ‘aide contre les traités secrets conclus dans le passé contre nos droits nationaux. La situation est aussi délicate que difficile et embrouillée.
Pourtant, Messieurs, nous ne désespérons pas. Nos demandes sont légitimes, et les principes qui leur servent de base sont des plus sacrés et répondent aux idées les plus modernes. Aussi osons-nous espérer la victoire complète de nos revendications nationales, si toutefois après cette grande ,et terrible guerre, on veut réellement prendre pour base du nouvel ordre de choses, en Europe et dans le monde, les principes exposés et proclamés par le très honorable président Wilson. Et, si les déciarations solennelles de nos alliés sur l'égalilé des grands et petits peuples au point de vue de leur libre détermination ont toujours une valeur, aucun peuple ne pourra fonder une existence durable, son bonheur national ét son avenir sur des principes contraires aux principes fondamentaux qui garantissent et conditionnent l'existence et le bonheur de la communauté internationale, l'existence et le bonheur de l'humanité ; il ne pourrait en profiter que provisoirement et pour un certain temps. À l'aide de ces principes, il pourrait même s'élever au-dessus des autres pendant quelques dizaines d'années, pendant un siècle; mais finalement, il n'en’ résulterait pour lui que des pertes, avec des conséquences incalculables. La politique juste ou erronnée des grands peuples peut, il est vrai faire périr ou disparaître de peuples, de petits groupes, mais le peuple aux noms glorieux des Serbes, Croates et Slovènes, qui a su et pu garder sa dénomination et ses qualités à travers des siècles de lutte contre deux terribles ennemis comme l'Autriche et la Turquie, un peuple d'une telle vitalité n'a pas à craindre ce sort, et encore moins à l'avenir que jusqu'ici. Il ne pourrait que regretter profondément de se voir obligé de continuer à dépenser ses forces
po