Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

44

précision et énergie, sa manière de penser, il empruntait le langage scientifique, et il employait une comparaison mathématique pour la présenter. Voici la définition frappante que Carnot en a donnée :

« Pour me servir d’une figure qui tient à la géométrie, je dirai que la liberté sociale ne peut exister qu'autant qu’elle est inscrite dans le cercle du respect pour la liberté individuelle. Elle a pour latitude tout l’espace que les rayons de ce cercle peuvent embrasser. La circonférence est son rempart, hors duquel elle perd son existence. Otez le respect de la liberté d'autrui, l'égalité politique, en un mot, la liberté sociale n'existe plus. Celui qui veut la liberté sans l'égalité est un despote ou un lâche fauteur du despotisme que la terreur ou l’intérêt conduit. »

Quant à la liberté de la presse qui ne fait plus un doute en Belgique, inscrite qu'elle est dans la Constitution de 1830 et dans les mœurs, mais qui, en France, est encore si discutée, mal comprise, mal appliquée, il a émis le jugement que voici :

« Je pense sur la liberté de la presse, à peu près de même que sur la religion. Je trouve que l'abus de cette liberté est un grand mal, mais que c’est un plus grand mal encore de vouloir en fixer les limites. Je crois que la licence de la presse trouve en elle-même, à la longue, le remède aux maux qu’elle produit; qu'il n'y a ni Hberté civile, ni liberté politique, là où il n'y a pas liberté de la presse; qu'il faut nécessairement, ou se soumettre à un gouvernement arbitraire, ou se résoudre à supporter les faiseurs de gazettes. Personne cependant plus que moi, n’a été la victime de leurs calomnies.

» Tel est mon système, ajoutait-il, sur ces sujets importants; système faux peut-être, mais qu'il est permis,