Lazare Carnot d'après un témoin de sa vie et des documents nouveaux

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Carnot qui avait été fait chevalier de l'Ordre de Saint-Louis par M. de Brienne en 1788, pour son Mémoire sur l'utilité des Forteresses, puis chevalier de la Légion d'honneur en 1804, par Napoléon, avait toujours pratiqué une profonde indifférence pour tous les signes extérieurs. Il a laissé sur ce sujet si délicat de l’honneur, des honneurs et des décorations, une page tout à fait remarquable. Elle est digne d’être méditée, dans tous les pays, aujourd’hui plus que jamais. La voici :

« Je m'attacherai ici à l'honneur, qui est, à proprement parler, le grand levier avec lequel on remue les nations, et surtout la nation française.

» Nous devons peut-être la plus grande partie de nos malheurs à une simple équivoque, à un abus de mots, au défaut de la distinction qui existe entre l'honneur et les honneurs; cependant qu'y a-t-il de commun entre ces deux choses ?

» L'honneur est le principe de tout ce qui se fait de grand dans le monde; les honneurs, un simple signe de la faveur, et plus souvent la marque de l'intrigue ou d’une vile complaisance, que du mérite réel. L'honneur excite une généreuse émulation; les honneurs, une basse jalousie : ceux-ci rendent indifférents sur les intérêts du gros de la nation dont ils distinguent et isolent celui qui en est revêtu; l'honneur de chaque citoyen, au contraire, n’est qu’une émanation, une portion de l'honneur national.

» Tout ce qu’on peut dire de plus favorable à ce qu'on nomme les honneurs, c’est qu'ils ne sont pas précisément incompatibles avec le véritable honneur; mais un homme taré, flétri, déshonoré dans l'opinion, peut réunir sur Sa personne tous les titres, toutes Les dignités,toutes