Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

102 LE DRAME SERBE

jour, plus tard, la patrie renaisse de ses cendres. » Des corbeaux, grands comme des aigles, volaient au-dessus des champs de Kossovo.

Vers Kossovo, depuis cinq longs jours et cinq longues nuits, sans arrêt, la division de Morava marchait. Elle venait de la Vieille Serbie pour sauver la Nouvelle. Elle passa, elle qui venait de la retraite, comme jamais ne passa troupe triomphatrice. Ceux-là défiaient le malheur et la défaite, et la fatigue, et le froid, et l’Autrichien, et l'Allemand, et le Bulgare et la Mort. En tête de la division, les clairons sonnaient: mais, comme ils sonnaient depuis quatre ans la bataille, leur son était rauque. On eût cru, non pas des clairons de cuivre, mais ces cornes de taureau dans lesquelles soufflaient les légionnaires romains.

Les tambours battaient; mais comme, depuis quatre ans, ils battaient sous la pluie, sous le soleil, dans la tempête, la peau des caisses détendue rendait un bruit funèbre. On eùût dit une clique d’outre-tombe.