Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

PREMIER JOUR DE RETRAITE 77

plus qu'un caillot de sang, au centre duquel s'ouvre un trou noir au fond duquel s’agite un morceau de langue noire. Lequel choisir ? Je ferme les yeux pour ne point voir les regards des cinq martyrs que je condamne. J'ai sauvé celui qui n'avait plus de face humaine.

Le shrapnell qui devait nous atteindre tomba trop long, par suite de notre arrêt. Le temps que l'ennemi règle à nouveau son ür, nous serons hors de vue. Les deux infirmiers ont disparu à travers bois vers les hauteurs. Notre auto repart. Derrière nous résonne le galop des uhlans qui s’avancent pour achever les cinq blessés abandonnés. Avant d'atteindre Palanka, notre voiture croisa une jeune femme pâle à faire peur, presque nue et portant dans ses bras un enfant vagissant, La femme titubait de faiblesse. — Ma belle-sœur (c'est de ce nom qu'en Serbie on salue une femme mariée), ma belle-sœur, dit l'officier qui m accompagne,