Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE SEPTIÈME. 231

seurs, les cris et les arquebusades, de joyeux brindisi saluent la mariée prête au départ. Le moment est en effet venu pour elle de quitter définitivement la maison paternelle ; la tête baissée et entièrement couverte de son voile, elle en franchit le seuil, escortée par ses parrains et par les amis de sa famille; mais ces derniers la quitteront bientôt pour retourner chez eux, la remettant aux svati de son époux, au milieu desquels la voilà complétement abandonnée.

Si la venue fut joyeuse, plus gai encore est le retour. Dans chaque village traversé par le cortége, ce ne sont que vivats, coups de fusil et libations offertes par des amis accourant, la botza à la main, pour fêter la mariée à son passage. Arrivé dans le pays du mari, ce n'est pas à la maison de celui-ci, mais directement à l’église que se rend le cortège nuptial. L’époux y arrive de son côté, mais clandestinement, et il en sortira de même après la cérémonie, qui s’accomplit suivant le rite compliqué de l'orthodoxie.

Escortée à droite et à gauche par ses djevers, et suivie par les bruyants svati, la nouvelle épouse gagne enfin la maison où elle va commencer une nouvelle vie. Sur le seuil de celle-ci elle apercoit le staritchina qui vient à sa rencontre, portant dans ses bras un jeune enfant qu'il offre à ses caresses : cérémonie emblématique et présage heureux des devoirs maternels qu’elle aura bientôt à remplir. Au tour de sa belle-mère de lui offrir ensuite une pomme qu'elle doit, autant que possible, jeter pardessus le faîte de la maison : si elle n’y réussit pas, c'est de moins bon augure. Si nous devons retrouver ici le souvenir des noces de Thétis et de Pélée, au moins la pomme de discorde, jetée jadis sur la table des dieux et