Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE SEPTIÈME. 239

brasser son beau-père, les svat et tous les assistants, puis elle leur donne l’eau pour se laver la figure et les mains, et tous, à leur tour, jettent dans la cuvette une ou plusieurs pièces de monnaie qui formeront le premier trésor de la future mère de famille. A l'heure du repas, la mariée se tient debout, servant les convives et répondant aux brindisi par de modestes inclinations. Mais avant de se séparer d'elle, les svati lui remettront encore des anneaux, des monnaies ou quelque autre cadeau. Telles sont les épousailles monténégrines, pleines de cérémonies presque mythologiques dont la signification a, depuis longtemps sans doute, échappé même aux. habitants du pays, habitués à les répéter fidèlement sans chercher davantage à les interpréter. Mais où trouver dans cet appareil guerrier des svati, courant plutôt à l'enlèvement ou à la conquête d’une femme, qu’à la réception d'une vierge timide ; dans le rôle de ces djevers, plutôt gardiens que garçons d'honneur, s’emparant brutalement de la chambre nuptiale, et, si c’est leur bon plaisir, en fermant l'accès au mari; dans cette fête toute virile, où aucune femme n'apporte à la jeune épousée l'appui de sa présence, de ses conseils et de sa gaieté; où trouver, disons-nous, les joies et les délicatesses de ces fêtes nuptiales où la fiancée couronnée de fleurs et fa disparaissant sous de longs voiles blancs, rayonnante au milieu d'une théorie charmante de jeunes filles enviant son sort, et belle entre toutes, voit se mêler aux félicitations d’un cortége de parents et d'amis les larmes de sa mère ? Où sont même ces fêtes antiques de l'hymen, au milieu desquelles s’élevaient de concert les chants d'amour et les hymnes à la beauté; alors que l'amant de Lesbie faisait entendre aux noces de Julie et de Manlius les