Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE HUITIÈME. 243

le temple de Rome et d'Auguste, et enfin le vieux couvent des Franciscains avec son église aux fenêtres byzantines, où le marbre d'Istrie s'effile en élégantes colonnettes.

Pola disparaît, le steamer franchit le cap Promontore, et le Carnero ouvre son vaste golfe, où s'engouffrent tour à tour la bora et le sirocco. La mer est agitée, dure, houleuse, peut-être même terrible; mais LussinoPiccolo offre bientôt un refuge assuré aux passagers terrifiés encore par le sifflement des tempêtes du golfe fatal : Carnero carnivoro.

De Lussino à Zara la côte sauvage de la Dalmatie et les iles sans nombre de son archipel s'étalent déjà dans toute leur aridité. À peine çà et là apparaissent comme perdus entre des collines calcaires de petits vallons verdoyants, où le gazon s'épanouit au pied de l'olivier, du figuier et de l’'amandier, ou bien des vignobles suspendus aux versants des coteaux. On commence une navigation de trois jours dans un labyrinthe de canaux où l'œil du pilote ne saurait un instant se reposer; mais la capitale de la Dalmatie va dédommager, au moins pendant quelques instants, le voyageur de cette course lente et monotone, en face de paysages tous identiques, dans leur tristesse et leur nudité.

Pourtant cette côte stérile de la Dalmatie et cette myriade d'iles, d'ilots et d'écueils sémés en face d'elle dans l'Adriatique, ont partout leurs souvenirs ; ces anses, ces baies, ces golfes sans nombre, jadis servaient de refuges à ces hardis pirates qui, sous le nom d'Uscoques, firent si souvent trembler les orgueilleux capitaines des galères vénitiennes. Il y a moins d'un demi-siècle que les

.