Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE NEUVIÈME. 281

le vaste périmètre qu'il décrit, et à rabattre le poisson en frappant l’eau de leurs environs. Les éclaireurs, qui suivent fous les mouvements du banc de scoranze, coordonnent l'action générale de façon à englober et resserrer de plus en plus la proie, qu'on ramène ainsi petit à petit jusqu’à la rive où elle ne forme plus qu’une masse compacte et frétillante. L'eau a disparu pour faire place à la surface argentée d'un monceau de mugils.

Demi-nus et msouciants de la froideur de l'eau, vingt hommes armés de claies se précipitent dans cette masse vivante, et se hâtent de remplir les embarcations rangées en demi-cercle alentour. Mais parmi les scoranze apparaissent des carpes, des truites, des anguilles de toute grandeur, excitant à fout moment des cris de joie et d'admiration. C'est en vérité la fête de la pêche, attendent, comme -celle des moissons et des vendanges, un Léopold Robert pour en: poétiser le tableau. Si la journée a été tout à fait fructueuse, on a pu remplir de poisson jusqu’à quinze ou vingt grandes londras, à huit ou dix rameurs, sans compter une trentaine d'embarcations à un ou deux avirons, et l'on peut espérer un bénéfice de dix mille florins et plus.

À la pêche succède le repas dont le menu délicieux est emprunté à la récolte du jour; puis le prince et sa suite regagnent Riéka, emportant les plus belles pièces dont l'hommage revient naturellement au chef du pays. Naguère encore celui-ci percevait directement le revenu des pêches; mais aujourd'hui elles sont louces par le gouvernement lui-même, et le prix du fermage rentre dans la caisse de l'État, en même temps que les autres impôts.

Des londras où elles ont été recueillies, les scoranze | 16.