Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE DIXIÈME. 295

La première jeunesse du futur prince des Monténégrins se passa tout entière, comme celle des enfants du peuple, dans ces exercices violents qui, pour les Tsernogortses, sont à la fois l'école et l REA des choses de la guerre. À la course, au saut, à la lutte, le fils de Mirko se voyait rarement disputer la victoire. Tantôt à

ied, tantôt à cheval, on le voyait parcourir les forêts ou franchir les montagnes, vagabondant sans frein ni discipline à de longues distances de la maison paternelle. Dans son goût pour la surprise et l'imprévu, se révélait déjà toute l’étrangeté du caractère du souverain actuel ; sa passion pour les armes et pour le cheval faisait présager le tireur redoutable et le cavalier accompli, sans rival aujourd’hui dans la principauté. Constamment en face du spectacle grandiose d’une nature bouleversée, sauvage, quelquefois effroyable, son âme se mettait à l'unisson des choses; son cœur s’identifiait en quelque sorte à ces chères montagnes dont chaque rocher devint pour lui l'autel emblématique de son eulte pour la patrie. Son imagination, alimentée par les scènes émouvantes du dehors, surexcitée au foyer domestique par les récits des guerriers et les chants populaires, se développait en même femps aux dépens de ses autres facultés, et le sentiment poétique s’éveillait assez hâtivement chez lui, pour que, bien avant de recevoir la couronne princière, le front du jeune homme pût ceindre le laurier d'Apollon:

Le jour vint enfin w le jeune Petrovitj dut rompre à regret avec l'existence désordonnée de la Montagne-

s morje (côtes). Le Monténégrin nomme son prince « Seti gospodar » (saint souverain), ou simplement « gospodar »; les Turcs l'appellent « Kara kaludjer » (le moine noir). ce