Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE DIXIÈME, 315

veillance de l'administration des biens de l'Église confiés au vladika; la direction de toutes les affaires administratives à l'intérieur et le jugement en dernier ressort de toutes les causes criminelles ou autres déférées à son tribunal. Le chef du pays perdait la disposition sans contrôle des deniers de l'État, et ses revenus étaient euxmêmes limités à une liste civile assez restreinte ; enfin la constitution conservait au prince la prérogative du droit de grâce et réservait uniquement à son jugement suprême la discussion et la solution des affaires politiques à l'extérieur.

En donnant à son pays un témoignage aussi solennel de son désintéressement, le prince Nicolas devançait même les désirs d’un peuple, accoutumé si longtemps à voir dans son chef à la fois l'élu de la nation et celui de Dieu, et qui eût considéré comme criminelle et téméraire toute suspicion de son honnêteté, de sa bonne foi et de son dévouement à la chose publique : sentiment de respect et de confiance, admirable dans sa simplicité, et auquel la Tsernagore avait dû, dans les jours les plus déplorables de ses dissensions intestines, son retour à l'union, et, dans les plus grandes disgrâces de ses luttes querrières, la conservation de son courage et de ses espérances.

Une réforme aussi complète dans les affaires du gouvernement devait être bientôt suivie de progrès considérables dans l'instruction, l'organisation et les relations du pays : le peuple tsernogorste, arraché enfin à son ignorance et à son isolement, allait inaugurer une nouvelle existence. Ces résultats succédèrent à un événement destiné à tenir une grande place dans le règne d’un prince monténégrin : nous voulons parler du voyage et du long séjour de Nicolas I* à Saint-Pétershourg.