Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE ONZIÈME. 397

arle au peuple. Son geste est facile, abondant, imagé ; sa démarche un peu théâtrale par l'habitude de figurer journellement à la tête de cortéges pleins de gens obsé-

uieux. Bien que s'exprimant facilement en public, le prince Nicolas ne possède point cette faconde oratoire, Si commune chez son peuple; son discours est plutôt see, concis, incisif, il procède volontiers par interrogations lentes et réfléchies, sachant que toute parole tombée dans l'oreille de, ses gens est sujette à d'infinis commenjaires, et, transportée de bouche en bouche, prend les proportions d'un événement. Doué d'un tempérament sanguin-nerveux , il en a reçu le double apanage des passions violentes et des susceptibilités vives et délicates. Mais sa sensibilité naturelle, presque féminine, le plus souvent arrêtée dans ses élans par la crainte d'être soupçonné de faiblesse, ne se traduit que rarement par des actes d’une réelle pitié; et si le premier mouvement est généralement bon chez ce prince, la réflexion vient arrêter trop vite les manifestations heureuses qui pourraient en résulter : le Monténégrin, transporté longtemps hors de son pays, ne s’est point en effet modifié au contact des étrangers ; il n’y a pris qu’un savoir suffisant pour raisonner son propre caractère et ses instincts de race, pour les dominer à l’occasion et les utiliser à bon escient. Aussi, bien habile scrait celui qui arriverait à saisir le trait d'union des actes politiques du chef de la Montagne-Noire, à analyser sa conduite dans les circonstances difficiles, à pénétrer ses desseins dans l'antagonisme des paroles et des faits : c’est le Sphynx du Cythéron attendant encore son OEdipe! Si une grande égalité d'âme est déjà pour le simple particulier une des qualités les plus précieuses, puisqu'elle est la base de la