Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE ONZIÈME. 339

pourrait t'adresser un reproche quand on sait que leur sang fait battre ton cœur.

« Jeune et faible, tes forces te trahiraient, si tu les mesurais sur le champ du duel avec celles de Lakésitch.

« Quant à la jeune fille, je t'en trouverai une autre et je te préparerai un beau mariage. Le château désert des Liubovitch, Dieu bienveillant le remplira de nouveau. »

« Sur le divan, en face des autres beys, ma mère, je serais couvert de honte; à ce déshonneur, à cette injustice, je ne saurais Survivre. »

Une épouvantable colère fait souffrir le bey; on le transporte sur son lit; sa mère désolée le console et soupire à son chevet.

D'horribles chagrins rongent son cœur, tandis qu’il est sur sa couche, et pendant qu'à Bichina Lakésitch reçoit le cheval noir.

Quand il le vit, son plaisir fut grand, et fièrement il reçut le cheval; le Turc insolent regrettait qu'Ali ne fût pas avec lui.

Prenant ensuite le cheval par la bride, il descend avec Jui la Bichina. « Va filer avec ton maitre Ali-Bey, » dit-il au valet Hussein.

Au-dessous de Blagaï l’aftendent trois cents svati choisis. « Le bey Liubovitch de peur m'envoie, comme vous voyez, ce cheval. »

Le Turc violent dit ces mots, et les svali par servilité lui font tant de compliments, qu'on ne peut les compter.

« Eh! svati, leur crie le Turc, allons chercher la fille; moi à votre tête, suivi par vous, où n'irons-nous pas? »

Tous montent à cheval et les voilà sur la plaine unie; ils se réjouissent et font courir Les chevaux, et chantent les chansons de noce.

Snr la plaine le Turc s'amuse; la vitesse de leurs chevaux entiers est semblable au vol capricieux des cygnes sur la surface d’un lac.

Lakésitch rit et chante, ses compagnons sont gais, et