Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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combien vous vous trompez, répondit-il vivement; je suis plus heureux ici qu'au milieu de toutes les splendeurs des palais de Saint-Pétersbourg ! »

Le peuple monténégrin, coupable, si l'on peut s'exprimer ainsi, d'un excès de soumission et de flatterie à l'égard de son chef, s’est chargé spirituellement de sa propre critique; et peut-être pourrait-on conclure de celle-ci à un certain manque de sincérité dans ses hommages. Une sorte de légende raconte en effet qu'un montagnard des districts éloignés, désireux de se rendre à Tsettinjé, mais ne possédant pas même un bonnet présentable, va trouver un voisin pour lui emprunter sa kapa : « Et qu'en veux-tu faire? lui dit celui-ci; tu as une bonne ceinture; faisen un turban pour le voyage; quand tu arriveras à Vlachka C’rcou *, tu remettras fa ceinture sur tes reins. À quoi te servirait alors une kapa que tu ne pourrais plus remettre sur fa tête? »

Devons-nous, en finissant, nous demander ce que serait Nicolas I* si l’un de ces conflits, toujours immiments entre le Monténégro et la Turquie, venait à éclater? Sans doute, le fils de Mirko ne tiendrait pas moins ferme que son père l'épée qu'il en a reçue : la Tsernagore tout entière a confiance en son chef. Celui-ci, trop jeune encore à l’époque de la guerre de 1862 pour y avoir pris une part sérieuse, a montré depuis, en diverses circonstances difficiles, assez de fermeté pour que son pays puisse espérer aujourd'hui qu'il reverrait, sous son commandement militaire, les jours glorieux des luttes monténégrines. Ce n’est point, du reste, dans des batailles rangées, mais plutôt dans les mille accidents et

! A l'église de Vlachka, c'est-à-dire à l'entrée de Tsettinjé.