Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

56 PACTE DE FAMINE

LETTRE DE LE PRÉVOT A FANTIN-DÉSODOARDS

À Beaumont-le-Roger, le 20 septembre 1813.

Monsieur,

Je viens de voir, dans le tome 22e de votre Histoire de France, mon aventure décrite par vous au chapitre 9, page 425. Mon arrestation n'est pas en 1764, mais en novembre 1768. Mon nom de baptême n’est pas Jacques, mais JeanCharles-Guillaume le Prévôt. Ilse peut que, pendant ma détention de 22 ans 7 mois dans 5 enfers de Paris on m'ait attribué un libelle calomniateur pour s’autoriser à me détenir si longtemps. Le haut clergé m'a réclamé à la police sartinienne et négritienne plus d’une fois, et elle a répondu que j'étois si eriminel envers le gouvernement, qu'il seroit dangereux de me mettre en liberté. Ma famille a fait des efforts inutiles. Ma dénonciation trop bien circonstanciée, trop véridique, trop prouvée, étoit la calomnie. Sept ministres avec trois lieutenans de police et les ministres accompagnés de leurs premiers commis m'ont visité à Vincennes, années 1774, 1775, 1776 et 1777, d’abord en m'offrant des ponts d’or pour ne rien dire de mes découvertes. Si j'avois adhéré à leurs propositions, j'aurois lâchement assumé sur ma têle tous les crimes, tous les maux qu'ils faisoient : mais sans préparation je les ai tous accusés et réduits ad melam non loqui. IL m'est arrivé ce que Jésus-Christ disoit à ses apôtres : Ne vous embarrassex point de ce que vous aurez à dire aux grands, moi-même je mettrai dans votre bouche ce que vous aurez à répliquer à leurs questions. Tous ceux qu'ils ont ou suborné ou séduits en prison sont morts comme eux ; et parce que j'ai eu la constance de leur résister, Dieu, en me faisant éprouver toutes les tortures étudiées par ces démons de Milton et toutes les horreurs de la Révolution, me laisse, à l’âge de 88 ans, plein de santé, dans l'espérance de recueillir 450,000 francs, si une cour souveraine veut bien confirmer le jugement que j'ai obtenu le 2 floréal de l'an Il, à prendre en indemnité, solidairement, sur sept têtes millionnaires, une seule pour tous, avec l’autorisation d'en fonder un collège de plein exercice dans ma patrie (Beaumont-le-Roger). Je n'irai point à Paris sans avoir l’honneur et le plaisir de vous remercier d’avoir si bien parlé de mon aventure tendant à délivrer 25 millions de Français des #amines organisées et exécutées depuis 1729 jusqu’en 1789 que commença la Révolution sans pareille.