Le Royaume de Monténégro : avec une carte

MŒURS ET COUTUMES 25

Le Monténégrin a, pour ces riches habits, une telle passion, qu'il vend parfois ses bestiaux, sa terre même, afin d’avoir largent nécessaire pour se les procurer. De retour au pays, après un séjour en Amérique ou dans une autre partie du monde, où il est parvenu à réaliser des économies, cet homme n’a rien de plus pressé que d'acheter un costume, dût-il lui coûter la moitié de sa fortune.

Tout Monténégrin, y compris le Roi, se coiffe du bonnet national, sorte de calotte ronde, d’un modèle uniforme, dont le pourtour est noir et la partie supérieure rouge.

Sur le dessus de cette calotte, on remarque toujours un dessin formé de plusieurs galons d’or affectant la forme d’un demicercle, et placés les uns au-dessus des autres. Sous ces galons, qui symbolisent l’arc-en-ciel, se trouve le monogramme du Roi N. I. Le Roi et quelques grands dignitaires portent un bonnet muni de marques distinctives. Les fillettes sont coiffées de la même manière, mais les femmes mariées ont la tête enveloppée d’une mantille. Le noir du bonnet est un emblème de deuil national en l'honneur des soldats morts à la guerre, le rouge est l'emblème du sang versé réclamant la vengeance, et l'arc-en-ciel, celui de l'espérance dans une revanche prochaine.

La paix est, aux yeux des Monténégrins, un armistice forcé. En buvant à la santé de quelqu'un, on prononce invariablement, même aux discours officiels, ces mots : Ce jour, je bois à votre santé ici; j'espère que je pourrai le faire l’année prochaine en Albanie, en Macédoine, à Scutari ou dans toute autre localité turque. En se saluant, on s’embrasse. Quand les hommes ne se sont pas vus depuis longtemps, et qu'ils se rencontrent sur la voie publique, ils s'appliquent un baiser sur les lèvres. Les femmes baisent la main de l'étranger qui leur fait la charité ou leur adresse un compliment.

On fait peu de cas des morts. Au décès d’un Monténégrin, les parents et les intimes se réunissent dans la pièce où se trouve le corps, et le veillent en riant et en chantant, sans oublier de se passer de main en main la bouteille de raki.

Alors commence un second acte; la chapelle ardente est encombrée par les parents et amis du défunt qui se découvrent