Le Royaume de Monténégro : avec une carte

48 LE ROYAUME DE MONTÉNÉGRO

les suffrages de cette population si ardemment patriote, car le royal auteur suppose la création d’un grand empire serbe, dont le Monténégro actuel formerait le point d'appui.

C'est bien là l’ambition que chaque Monténégrin nourrit au fond de son cœur, de même que la transformation récente de la principauté en royaume a réalisé un des rêves les plus chers du peuple tout entier.

Non seulement le Monténégrin aime à réciter les vers de ses poètes nationaux, maïs il se plaît aussi à les chanter sur la « guzla ».

La « guzla », c’est l’instrument de musique qui charme les loisirs de l’homme du peuple. Elle ressemble à une sorte de violon à une seule corde, à laquelle le musicien arrache de mélodieux accents, tantôt accompagnant une chanson à la mode, tantôt exécutant de vieux airs populaires, toujours applaudis. Les espérances de la race se reflètent dans les plaintes poussées par la « guzla », dont jouaient déjà, au Moyen Age, les trouvères de ces monts. Au marché, à la fête, les ménétriers-chanteurs pincent aussi la « guzla », et ces Homères monténégrins obtiennent toujours Le plus grand succès. Leurs vers, évoquant les jours de gloire passés, et qu'on aimerait tant ici à voir renaître, enthousiäsment toujours l'auditoire.

La danse nationale s'appelle « kolo », et il n’est pas de bon patriote qui n’en soit un adepte fervent. Mais, quand on danse, on boit beaucoup de raki, on s’anime plus que de raison, et bientôt les revolvers sortent des ceintures. On tire en l'air, il est vrai, mais l’odeur de la poudre a vite grisé ces hommes au tempérament belliqueux, et peu à peu le bal dégénère en orgie. Sous l'influence de l'ivresse, des coups sont souvent tirés à bout portant, des victimes tombent, et voilà comment naît une vendetta.

Le « kolo » est presque toujours dansé par des hommes; très rarement les femmes y prennent part. Tous les danseurs se rangent en cercle, se touchant des mains les épaules, et ils exécutent, dans cette position, une sorte de pas des Patineurs : un pas à gauche, puis trois à droite, tout en chantant et en s’écriant : « Zivio! »

La haute société, cela va sans dire, a d’autres distractions. Le