Le système continental et la Suisse 1803-1813

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Aux vingt mille douaniers de Napoléon, on oppose cent mille contrebandiers. Chassés de l’Europe occidentale, les produits prohibés reculent toujours plus à l’est. Deux grands systèmes de contrebande s'organisent au nord dans les eaux de la Baltique, au sud dans la Méditerranée orientale. Les marchandises entassées dans des entrepôts protégés par les flottes anglaises, arrivent dans les ports du continent sous pavillon neutre ou à la faveur de faux certificats ; elles sont jetées audacieusement à la côte, pénètrent par les fleuves, et depuis leur point de départ, font les détours les plus incroyables pour prendre l’Europe à revers !. Le système des licences lui-même favorisait des irrégularités sur lesquelles les employés fermaient les yeux.

Bref, au lieu du coup décisif qu’il avait espéré porter à l'Angleterre, Napoléon constatait un relâchement de tout son système et la nécessité de le raffermir et de le compléter par une série de mesures nouvelles.

Il s’agissait de concentrer tous les efforts sur un point : la suspension du trafic avec les denrées coloniales, dont dépendait maintenant le plus clair de la fortune anglaise. Une

‘ Au nord, les principaux magasins, qui contenaient pour trois à quatre cents millions de marchandises, se trouvaient à Héligoland et à Gôteborg en Suède. De ces deux points, les denrées étaient rejetées sur Altona, Hambourg, le Danemark, et approvisionnaient toute la contrebande de la Baltique, de la Vistule et de l’Oder. Les navires américains jouaient ici, en leur qualité de neutres, un rôle capital. Par flotte de cent-cinquante bâtiments ils faisaient débarquer, dans le golfe de Bothnie, les denrées qui retombaient ensuite sur l’Allemagne et l'Espagne. Dans le sud, les magasins de Malte et de la Sicile déversaient sur toute la côte italienne, sur Corfou et la Dalmatie, les produits qui s’en allaient ensuite en vastes caravanes à travers la Bosnie jusqu’à Vienne. C’est à Vienne aussi qu’aboutissaient les chargements considérables transportés en Turquie sous pavillon neutre par les Grecs et les Ottomans. Ainsi, pour prendre un exemple cité par J.-B. Say dans ses Principes d'économie politique, on consommait quelquefois à Calais des marchandises venant d'Angleterre et qui avaient fait un détour équivalant pour les frais de transport à un voyage de deux fois le tour de la terre.

Corresp. Napoléon à Champagny, 4 novembre 1810; — Gem. Schw. Nachr., 19 octobre 1810. — Vandal, I, p. 509; — Kiesselbach, p. 121 ss.-