Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma

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Malgré tout ce courage inutilement dépensé, le parti constitutionnel se sentait impuissant à empécher cette solennité; il obtint qu’elle serait officiellement dédiée à la Liberté. Mais néanmoins la victoire restait ainsi aux Jacobins.

La fête eut lieu le 15 avril 1792, et pour bien constater leur triomphe, les exaltés, dans les Révolutions de Paris, organe officiel de la Montagne, firent cette description du cortège :

« Derrière le char, un coursier à longues oreilles, « monté par un plaisant ridiculement costumé, ficu« rait la Sottise, qui, n’ayant pu réussir à faire man« quer cette fête, venait du moins pour lui chercher « des défauts, afin d’en faire part aux libellistes « Dupont et Gauthier, Durosoy et André Chénier, « Pariseau et Roucher. »

En même temps, les noms des deux poètes étaient couverts de boue par les journalistes jacobins.

Collot ne voulut pas laisser aux seuls journaux le soin d'attaquer Roucher et André Chénier. Le 4 avril, à la tribune des Jacobins, il s’éleva, dans un style d’une virulence haineuse, contre les deux poètes (1).

M. Caro, en reproduisant cette diatribe, l’apprécie ainsi :

« Ce langage d’énergumène nous fait rire. Prenons« y garde. Ce qui nous fait rire aujourd’hui tuait un « homme dans ce temps-là, et nous ne pouvons nous « empêcher de remarquer que, deux ans après cette « dénonciation à la tribune des Jacobins, la même « charrette conduisait à l'échafaud André Chénier et « Roucher, réunis dans la même sentence de mort « comme ils l’'avaientété ce soir-là dans le même ana-

« thème (2). »

(1) Antoine Guillois. Pendant la Terreur. Le poète Roucher. 2) Caro, La Fin du xvur siècle, t. IT, p. 304.