Les fêtes et les chants de la révolution française

PRÉFACE. XXXVII

il ne s’agit pas de recommencer aujourd'hui ce qui a été fait il y a cent vingt ans : les tendances esthétiques et es formes de l’art de notre temps sont trop différentes de celles du xvin® siècle pour que l’on puisse songer à rendre pour modèles des œuvres faites suivant un goût si différent du nôtre. Mais, indépendante des formes, il y a Ja pensée, qu'il est d'autant plus opportun d'évoquer ici qu'après une si longue éclipse nous la retrouvons souvent bien proche de la nôtre.

Quant à l'œuvre d'art, pour ne parler que d'elle, est-elle donc si complètement périmée que pouvait le faire croire l'oubli immédiat dans lequel elle est tombée? Quelquesunes de ces productions d'un moment déterminé ne contenaient-ellés pas en elles une vitalité qui eût dû leur valoir une fortune plus durable? L'exemple de notre chant national, sorti de ce même milieu, suffirait au besoin à faire la preuve de cette vitalité : personne n’oserait contester qu'il en déborde! Mais il n’est pas seul à avoir mérité de survivre aux circonstances qui l’ont fait naître : nous le verrons bien au cours de cette étude. Plusieurs des œuvres qu'elle nous révélera mériteraient, non d'être prises pour de simples objets de curiosité archaïque, mais d'avoir la première place au répertoire des fêtes que nous voudrions voir célébrer aujourd'hui. Ces chants de la Révolution française sont les premiers monuments de la lyrique républicaine telle qu'il faudra qu'elle soit constituée un jour. Quand, après plusieurs siècles d'efforts, le christianisme vainqueur songea à organiser et unifier son culte, les plus anciens chants que la mémoire des fidèles avait conservés, ceux mêmes qui avaient accompagné les cérémonies primitives furent, autant qu'il se put faire, pieusement recueillis et réunis à ceux que les âges postérieurs avaient créés. Pourquoi n'en serait-il pas de même ici? Quand, dans cinq ou six siècles (pour conserver à la : chronologie son parallélisme), quelque laïque saint Grégoire viendra constituer le bréviaire de la liturgie républicaine, quels que soient les chefs-d'œuvre que réserve cet avenir intermédiaire, il faudra bien qu'il remonte aux sources et demande aux Gossec, aux Méhul, aux Lesueur,