Les fêtes et les chants de la révolution française

QUATRE-VINGT-NEUF. 5

Sous les murs de la Bastille, les gardes françaises avaient fraternisé avec le peuple. Conscients de leur état de révolte, mais confiants en la victoire, ils avaient renoncé eux-mêmes au nom de leur corps, et s'étaient intitulés « soldats de la patrie ». Leur situation fut régularisée sur-le-champ : dès le lendemain, les électeurs de la commune de Paris les avaient déclarés « troupes nationales » à la solde de la nation; le 21 juilJet, le roi autorisa leur incorporation dans les « milices bourgeoises », autrement dit la garde nationale. A la fin du mois, l'organisation militaire parisienne était presque achevée; les premiers uniformes des nouveaux corps firent leur apparition; en août, l’on procéda aux élections des officiers; enfin le 27 septembre eut lieu la bénédiction des drapeaux, consécration solennelle des faits accomplis.

Les corps de musique des gardes françaises passaient alors pour les meilleurs qu'il y eût en France. Ce n'était pas beaucoup dire, car, au xvir° siècle, l’état des musiques militaires françaises était peu florissant. Jean-Jacques Rousseau a donné sur elles, sur leurs fifres, leurs trompettes, le style de leurs marches, des détails qui n’attestent que trop leur faiblesse. « C’est une chose à remarquer, dit-il, que dans tout le royaume de France il n'y a pas un seul trompette qui sonne juste, et la nation la plus guerrière de l'Europe a les instruments militaires les plus discordantst. » En 1764, les régiments des gardes françaises n'avaient que seize musiciens, hautbois, clarinettes, cors et bassons, avec les fifres et les tambours; la plupart étaient étrangers, surtout Allemands.

1. J.-J. Rousseau, Diclionnaire de musique, articles Fanfare, Marche. Voy. aussi son écrit Sur la musique militaire.